Pas encore Mort
Un western dans lequel un John Wayne vieillissant, mais encore vert, donne la réplique à deux jeunes loups encore en devenir, Robert Duvall et Dennis Hopper, et surtout à une jeune actrice qui n’a pas eu une grosse carrière Kim Darby, dans le rôle de Mattie Ross, le personnage principal du film.
Réalisation : Henry Hathaway
Scénario : Marguerite Roberts, d'après le roman de Charles Portis Distribution :
Année : 1969 Synopsis : La jeune mais débrouillarde Mattie Ross recrute le vieux marshal Rooster Cogburn pour qu'il arrête l'homme qui a tué son père. Ils seront rejoints par le Texas ranger Laboeuf. |
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Réalisé par Henry Hathaway, 100 dollars pour un shérif est un western de 1969, contemporain donc du cultissime, violent et désespéré La horde sauvage de Sam Peckinpah ou de Les cent fusils. En 1969 le western italien a changé la donne et l’ère du Western classique, ces grandes épopées qui forgèrent la légende de l’Ouest, est révolue. Moins extrême que le film de Sam Peckinpah, celui d’Hathaway s’inscrit néanmoins dans cette nouvelle approche de relecture du Western (celle qui donnera des œuvres comme Little Big Man, Soldat Bleu ou bien encore Le convoi sauvage…).
Ce 100 dollars pour un shérif est adapté d’un roman paru l’année précédente sous le titre de True Grit qui sera réadapté par les frères Cohen en 2010. Le film reprend des thèmes chers au western à l’américaine (comment on applique la justice dans des terres à peine colonisées ? La dualité vengeance et justice, les grands espaces qui rendent les hommes et les femmes tout petit…) pour les traiter de façon moins légendaire, plus humaine.
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John Wayne reste une figure héroïque de western presque classique, il est courageux et profondément individualiste (il cohabite avec un chinois et un gros chat et boit comme un trou), mais il est aussi vénal et n’est pas très à cheval sur la morale (l’homme aux méthodes expéditives a un passé lourd) et ce n’est pas lui la figure centrale du film. Ce n’est pas sa quête que l’on suit mais celle de Mattie Ross, c’est elle qui cherche l’assassin de son père pour qu’on l’arrête, c’est elle qui recrute le marshall (le terme shérif du titre français est impropre) Rooster Cogburn, incarné par John Wayne. Certes elle subit la présence du Texas Ranger La Bœuf (Bruce Campbell) pourtant lorsque les deux représentants de la loi cherchent à se débarrasser d’elle au passage d’un bac, Mattie s’accroche et fait traverser la rivière à la nage à son cheval. Tout le long du film elle se montre pleine de ressource. La débrouillardise et le bagout de la demoiselle évitent au personnage de sombrer dans l’archétype de la demoiselle en détresse.
Si les hommes conservent globalement le monopole de la violence et ce qu’ils soient du bon côté de la loi ou du mauvais, le personnage de Mattie Ross est futé, dégourdi et obstiné, elle est le maître d’œuvre. Pleine de ressources elle ne se laisse pas intimidée par les bandits comme par les hommes de loi. Bien que secondaires Cogburn et La Bœuf sont cependant campés avec finesse notamment lors d’un dialogue au cours duquel ils parlent de ce qu’ils ont fait pendant la guerre de Sécession. Le marshall Cogburn était un bushwacker de la bande à William Quantrill, un partisan du Sud responsable notamment du massacre de Lawrence, tandis que le Texas ranger La Bœuf a lui servi dans ce qui faisait office d’armée régulière dans la Confédération.
Le film oscille entre une tonalité comique et des accès de violence soudaine. La scène avec Dennis Hopper dans le rôle d’un bandit qui se fait capturer et qui alors qu’il collaborait avec le marshall et le ranger se fait planter par son complice est de ces scènes qui font surgir la violence sans crier gare. On voit même un rien de sang à l’écran dans cette scène au cours de laquelle Henry Hathaway inflige au spectateur au milieu d’une scène drôle avec des bandits un peu demeurés dont l’un est chargé de plumer un volatile fraîchement abattu, un déferlement de violences d’autant plus saisissant que le réalisateur en avait désamorcé jusque-là la violence.
100 dollars pour un shérif est un western qui reste comme au milieu du guet, il tourne le dos au western classique, il en vient, et regarde sur l’autre rive, celle du western crépusculaire qui déconstruit avec plus ou moins de dynamite les code du western hollywoodien.
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R.V.