La comédie musicale Glam Rock
Film culte parmi les films cultes The Rocky Horror Picture Show est un film de genre dans tous les sens qu’on peut donner à l’expression.
Réalisation : Jim Sharman
Scénario : Richard O'Brien & Jim Sharman (d'après le livret de la comédie musicale) Musique : Richard O'Brien Distribution :
Année : 1975 |
Synopsis : Brad Majors et Janet Weiss s’en revienne des noces de deux amis d’université quand une erreur de route, un pneu crevé et un orage les contraint à trouver refuge dans une grande maison perdue dans les bois.
Le début des années 70 avait vu, principalement au Royaume-Uni, la naissance d’un genre décadent qui mettait un grand coup dans les partis au rock viril et intello à grand coup de maquillage, de pauses provocantes et d’ambiguïté sexuelle. Le Glam ou Glitter Rock avait pour chef de fil T-REX, le groupe de Marc Bolan, et dans le rôle des suiveurs plus ou moins talentueux Sweet, Slade ou la rockeuse en cuire Suzi Quatro. C’est enfin grâce à cet éphémère courant que David Bowie connut ses premiers succès durables et qu’il mit au monde avant de tuer sur scène Ziggy Stardust. C’est dans ce contexte où le rock jouait avec les identités sexuelles et parfois s’écartaient de ce qui n’était pas encore appelé l’hétéronormativité qu’apparut à Londres une comédie musicale, The Rocky Horror Show.
Nous sommes en 1973 et le spectacle chansons et numéro de danses dans le plus pur style de la comédie musicale, mais avec une musique résolument rock, tout en rendant hommage aux films d’horreur et de science-fiction de la Universal des années 30 (une partie de l’intrigue s’inspire de Frankenstein), de la R.K.O. (King Kong…) et des britanniques de la Hammer (les films de la décennie précédente avec Christopher Lee et Peter Cushing). Ce sont ces ingrédients que l’on retrouve dans le film tiré de la pièce qui est tournée deux ans plus tard.
Le générique est une note d’intention avec ces paroles qui citent King Kong, qui évoquent les doubles programmes de films d’exploitation ou le héros de serial Flash Gordon. Avec aussi et surtout cette bouche sensuelle d’un rouge pétant. Le film qui parlera de sexe.
The Rocky Horror Picture Show, au-delà de son histoire d’Extraterrestres, de son intrigue qui reprend pas-à-pas celle des films de la Hammer (le couple innocent, la demeure isolée, le propriétaire aussi attirant que menaçant…) est un récit d’apprentissage de la sexualité. Brad Majors, Barry Bostwick, et Janet Weiss, Susan Sarandon, qu’on découvre au début du film tout mignons et bien proprets subissent aux mains du docteur Frank-N-Furter (Tim Curry, le clown Grippe-sou qui traumatisa toute une génération) un rite initiatique qui les transformera à jamais.
Puisqu’il s’agit d’un film musical on dira combien les chansons sont réussies, elles sont accrocheuses pour les titres rock, elles transmettent les émotions des personnages quand elles servent aux introspections des personnages et elles participent à la progression de l’intrigue.
Le film de par sa nature agglomère les scènes chorégraphiées avec chant (solo et chœur) et danse (il y a même un simili balais aquatique en petit bassin) qui proviennent des films musicaux hollywoodiens avec des scènes de comédies sur le mode du pastiche de l’horreur avec une bonne dose d’humour noir et pince-sans-rire voire de vrais débordement dans l’épouvante (meurtre et cannibalisme, plus suggérés que gore mais quand même). L’ensemble reste fluide et les sutures ne sont pas apparentes, on passe du rire au frisson en un clin d’œil à mesure que l’on s’enfonce dans la folie érotique des personnages.
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L’ensemble repause largement sur les interprétations des acteurs. Susan Sarandon et Barry Botswick sont deux ingénus plus vraies que nature qui vont se découvrir une libido dont ils s’ignoraient les dépositaires. Richard O’Brien (le cerveau derrière tous ça, il signe la musique et les paroles des chansons et a co-écrit le scénario) et Patricia Quinn (The Lords of Salem) campent les personnages tout en ambiguïté de Riff Raff, le serviteur bossu parce qu’il en faut un, et Magenta, la soubrette sexy. Charles Gray (Blofeld dans On ne vit que deux fois) est un narrateur inutilement pédant qui se fait la voix de la morale et qui est si sérieux (même quand il dans le Time Warp) que s’en est dôle.
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Et puis il y a Tim Curry dans le rôle de Frank-N-Furter, l’extraterrestre au mode de vie décadent trop extrême même pour ses compatriotes d’outre-espace. Créature pansexuelle à la fois masculine et féminine Frank-N-Furter est aussi un vrai vilain. Il est jaloux et égoïste, guidé par sa seule quête du plaisir qui l’amène à commettre deux trois trucs franchement moche. Tim Curry est le genre d’acteur à l’aise dans les rôles excessifs sans pour autant se vautrer complètement dans le cabotinage éhontée. Le dénouement nous révèle un personnage plus complexe et franchement touchant (le très beau I’m Going Home). A moins que ce ne soit que l’ultime manipulation d’un être sans scrupule prêt à tout pour ne pas mourir, ce qui reste compréhensible, non ?
The Rocky Horror Picture Show, plus de quatre décennies après sa sortie en salle demeure à sa façon pertinent aujourd’hui et résonne avec notre époque qui s’interroge sur les genres, les normes sexuelles ou le consentement (Frank-N-Furter n’est pas du genre à prendre un non pour un non).
R.V.