Les roBots
Synthés 80’s, gros rock qui tache, chansons salaces et beaucoup de hargne c’est tout ça ROCKNROLL MACHINE
Les Norvégiens de Turbonegro apôtres du death rock, une étiquette qui n’appartient qu’à eux, sont de retour en 2018 avec un album qui fait plaisir et qui a du mal à quitter notre platine. Voilà maintenant courrez chez votre disquaire (s’il n’y en a plus près de chez vous il y a toujours le grand méchant Amazon) ! Mais si vous êtes vraiment allergiques aux synthétiseurs vous feriez mieux de passer votre chemin.
|
Pour ceux qui en veulent plus on leur expliquera que Turbonegro est un groupe qui évolue sur une corde raide entre exubérance rock, ce que le groupe a de plus viscéral à offrir à l’auditeur, et appétence pour les mélodies accrocheuses et sexy, on n’ose pas parler de sensibilité pop mais on se souvient que jadis le groupe pasticha la pochette de Pet Sounds pour l’un de leurs albums. Pour cet album-ci ils lorgnent avec une lubricité indécente sur les années 80 et leur mauvais goût le plus exquis. L’album foisonne de ces sons synthétiques qui signent dans l’imaginaire collectif le son de l’époque. Le premier morceau, celui qui plante le décors est une partouze de synthétiseurs qui comblera les uns et révulsera les autres.
Ces synthés presque omniprésents font de ROCK’N’ROLL MACHINE un drôle de projet bâtard comme si Turbonegro faisait subir à la Synthwave, cette relecture contemporaine de ce que dans les années 80 on appelait la Synthpop ou plus génériquement la New wave. Ces synthés cachent cependant mal la batterie agressive, la basse vrombissante, les gros riffs de guitare et les solos énergiques du guitariste Euroboy. L’emballage kitsch néo-années 80 dissimule très imparfaitement l’agressivité de morceaux comme Well Hello, Fist City, Hurry up & Die et On the rag.
Ce Turbonegro aux néons tapageurs reste dans ses thèmes favoris entre les titres agressifs déjà évoqués et les titres cul-cul. L’impayable Special Education, et son fantasme d’enseignante lubrique pour élève déluré, ou Let The Punishment Fit The Behind, chanson post-apo façon Judge Dredd ou Mad Max SM (si on a bien compris de quoi il en retourne) sont parfaites dans ce registre. Et puis il y a le titre Rock FM mais avec du gros son, John Carpenter Powder Ballad qui invoque le cinéaste qui est, par un curieux coup du sort, devenu l’inconscient musical de notre époque celui dont les B.O. synthétiques hantent aussi l’Electro (on s’en serait douter) mais aussi le Rock ou le Metal, ne dira-t-on jamais assez ce que Ghost doit à la musique de Carpenter.
|
|
Turbonegro avec son esthétique fortement inspirée par l’homoérotisme queer et cuir de Tom of Finlande à moins que ça ne soit par les Village People reste une machine provo qui défie le bon goût. De façon retorse le groupe se vautre dans le mauvais goût d’une décennie toute entière vouée à une esthétique des plus discutables comme pour mieux railler les tenants du bon goût rock contemporain.
L’album n’a pas que des critiques positives, l’attitude je-m’en-foutiste et sacrilège du groupe et la nostalgie d’un âge d’or de plus en plus lointain sont autant de bonnes raisons de ne pas aimer ce disque. Mais nous sommes en 2018, le rock est coincé entre la disparition et la muséification qui aseptise tout, et il ne faudrait pas que le plus grand crime de ROCK’N’ROLL MACHINE soit de ne pas être paru il y a vingt ans.
R.V.