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Il ne faut pas se laisser intimider par des notions comme album classique ou groupe culte et rien n’est jamais incontournable. Parfois il faut aussi laisser le temps agir.
Cet article n’est pas un hommage de plus à London Calling, le troisième album de The Clash et peut-être bien son meilleur. Aussi expédierai-je au plus vite ce point et quelques généralités autour de cet album pour en revenir à comment j’ai fini par vraiment aimé ce classique dans son entièreté.
London Calling est un double album, une petite hérésie dans le milieu punk. Le double album c’était alors un truc de prog rockers abhorrés (Yes, Emerson Lake & Palmer… ce genre de chose) ou le format de prédilection des albums live (It’s Alive, des Ramones, Live And Dangerous, de Thin Lizzy…) mais pas du tout ce que l’on attendait pour la nouvelle parution d’un groupe Punk. The Clash ferait pire en la matière avec un triple Sandinista qui lui par contre est trop long pour être totalement convaincant de bout en bout même s’il ne manque pas d’intérêt mais je digresse. C’est une autre histoire. London Calling n’est pas aussi expérimental que son successeur, il est même un genre de condenser de l’histoire du rock, depuis ses origines jusqu’à ces plus récents développement. Surtout cet album annonce le future du groupe celui d’une bande d’Anglais qui s’américaniseraient et connaîtraient un succès grandissant de l’autre côté de l’Océan avant de se dissoudre entre querelles d’égos, rancœurs peu glorieuses, jalousies mesquines et difficultés à maintenir une certaine éthique quand on ressemble de plus en plus à des rock stars, des rockers de stade, ce que le punk était précisément sensé détruire à jamais. Cette histoire, l’américanisation d’un groupe britannique, n’est pas une nouveauté, ce qui est relativement nouveau c’est qu’ils furent les seuls punks insulaires à suivre cette pente avec Billy Idol après la séparation de Generation X. Leurs pairs The Damned resteraient définitivement anglais, même quand ils empruntaient fortement aux psychédélisme U.S. (reprise de White Rabbit de Jefferson Airplane), alors que The Stranglers eux chercheraient une voie (voix ?) pan européenne.
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London Calling est par-delà ces considérations une réussite du début à la fin et frôle la perfection sur un peu plus d’une heure. L’exploit n’est pas mince. The Clash c’est un groupe qui entre 1977 et 1979 a sorti trois albums, une floppée de singles, dont les titres n’étaient pas tous appelés a figuré sur les albums et ce même quand ils étaient très bons (White Men In Hammersmith Palais entre autres broutilles) tout ça en plus des tournées. Selon les standards actuels un groupe qui sort un album tous les trois ans est un groupe productif. London Calling est une réussite de bout en bout et pourtant la première fois que je l’ai écouté à l’adolescence, un CD emprunté à la bibliothèque municipale de Laval, je n’ai guère aimé plus de la moitié des titres et sur les 19 il y en eut même une poignée que j’ai franchement détesté à commencer par Lost In The Supermarket que dans ma grande naïveté je trouvais horrible.
London Calling est par-delà ces considérations une réussite du début à la fin et frôle la perfection sur un peu plus d’une heure. L’exploit n’est pas mince. The Clash c’est un groupe qui entre 1977 et 1979 a sorti trois albums, une floppée de singles, dont les titres n’étaient pas tous appelés a figuré sur les albums et ce même quand ils étaient très bons (White Men In Hammersmith Palais entre autres broutilles) tout ça en plus des tournées. Selon les standards actuels un groupe qui sort un album tous les trois ans est un groupe productif. London Calling est une réussite de bout en bout et pourtant la première fois que je l’ai écouté à l’adolescence, un CD emprunté à la bibliothèque municipale de Laval, je n’ai guère aimé plus de la moitié des titres et sur les 19 il y en eut même une poignée que j’ai franchement détesté à commencer par Lost In The Supermarket que dans ma grande naïveté je trouvais horrible.
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Ce devait être la fin des années 90, j’étais encore au collège. Je crois. Si je devais donner une année, même si tout ça est assez flou, je dirai qu’on était en 1998 et que je devais être en troisième. Vingt ans après la bataille. Bref pour cette première écoute j’étais très loin de crier au génie. Les titres rapides me plaisaient parce qu’à l’époque j’aimais les chansons rock jouées vite et fort. Cette version de Brand New Cadillac ! Savais-je déjà qu’il s’agissait d’une reprise de Vince Taylor ? J’en doute. Et ce Spanish Bombs qui chante la guerre civile espagnole et la gloire des combattants républicains, comment rester insensible à ça quand on a une fibre de gauche ? J’adorais aussi les chansons reggae Rudie Can’t Fail, Revolution Rock et surtout The Guns of Brixton avec ce Diddley beat irrésistible ; le titre écrit par le bassiste qui était un hommage double à The Harder They Come, le premier film jamaïcain, et à Bo Diddley qui avait accompagné le groupe dans sa tournée U.S. de 1978. Pour le reste il me faudrait y revenir au moins à deux fois sur près d’une décennie pour apprécier London Calling de sa chanson titre qui ouvre l’album à Train In Vain qui le clôt en beauté.
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Il n’y a pas de raisons rationnelles à cette longue maturation. Parfois on succombe à la première écoute, d’autres fois il faut plus, beaucoup plus de temps. Forever Changes (Love), Pet Sounds (The Beach Boys), Metal Box (PiL) ou Marquee Moon (Television) sont autant d’albums classiques dont la séduction a été immédiate même quand ils ne font pas grand-chose pour. Metal Box n’est pas un album séduisant, tout en lui crie son peu d’amour pour l’humanité et par là ses probables auditeurs. Le premier Suicide n’est pas, à l’exception de Cheree et encore, le genre de disque qui vous caresse dans le sens du poil et vous murmure, doucereux, que tout va bien se passer, pourtant lui aussi m’a instantanément plus et longtemps j’ai détesté Lost In The Supermarket !
Jusqu’à ce que je redécouvre le titre en générique de fin d’un épisode de Daria et peut-être aussi parce que j’ai commencé à écouter les paroles et à les comprendre. Lost In The Supermarket est au final le titre de London Calling qui demeure le plus contemporain parce que 40 ans plus tard nous sommes encore perdu dans les supermarchés, les grands magasins et que même l’IKEA le plus proche gorgé jusqu’à la gueule de produits ne pourra pas remplir notre vide existentiel, que la consommation n’est pas la meilleure façon de combler ce manque qu’il nous arrive de ressentir. London Calling, la chanson, a pris un petit coup de vieux parce que l’Apocalypse n’a plus les atours de l’hiver nucléaire qu’il avait en cette fin d’année 70, personne en 1979 pensait que la Guerre froide en avait pour à peine plus de dix ans. Mais voilà il y a 40 ans The Clash, le groupe qui avec son premier album inventa à son corps défendant le street punk et rendit possible des groupes comme Sham 69 (le seul groupe punk anglais de l’époque que je n’arrive pas à aimer), rangeait au placard agressivité et tous l’attirail du petit rocker révolutionnaire pour signer sur un rythme disco avec cymbales frétillantes, une chanson accrocheuse et déprimante. Nous sommes loin du punk rock tel qu’il s’était déjà figé, Lost In The Supermarket est une chanson d’autant plus implacable qu’elle est débarrassée de la complaisance rebelle facile pour regarder la bête droit dans les yeux et y voir avec effroi son propre reflet. Au final Lost In The Supermarket comme un peu plus tard Ghost Town des Specials, c’est une de ces chansons pops au fusain impérissable comme certains anglais savaient (savent ?) en écrire.
London Calling est aujourd’hui pour moi un compagnon fidèle et cet album méritait bien que je fasse un peu d’effort d’autant que sa richesse est renouvelé à chaque écoute. De la chanson titre qui emprunte au Dead End Street de The Kinks à ces cuivres sur Wrong ‘Em Boyo (l’une des trois reprises de l’album) qui sont en fait je l’appris plus tard plus qu’inspirés par ceux du shuffle de la Nouvelle Orléans Sea Cruise chanté par Frankie Ford mais avec partout la patte de Huey « Piano » Smith qui est le compositeur et l’arrangeur du titre en passant par la cavalcade de Koka Kola ou The Right Profile et sa référence à Montgommery Clift tout ici respire la casse.
Pour conclure, parce qu’il le faut bien, un dernier mot. Il ne faut pas se laisser impressionner par la réputation d’un album ou même d’un groupe, un jour il faudra que je vous parle du rapport difficile que j’ai longtemps entretenu avec l’œuvre des Beatles et comment la trentaine bien tassée j’ai fini par tout aimé chez les Liverpuldiens, et aussi qu’il faut parfois admettre qu’on ne peut pas tout aimé et qu’il y aura des artistes pourtant célébrés qui a jamais nous laisserons indifférents.
R.V.