Histoire d'une charogne
Avec Arrivederci amore ciao Michele Soavi adapte un roman de Massimo Carlotto et réalise un film noir très noir qui rappela à beaucoup, en 2006, que même s’il n’était plus que l’ombre de son glorieux passé, le cinéma italien n’était pas tout à fait mort et qu’il pouvait encore mordre
Réalisation : Michele Soavi
Scénario : Marco Colli, Franco Ferrini, Michele Soavi et Luigi Ventriglia Distribution :
Année : 2006 |
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Synopsis : Giorgio Pellegrini rentre en Italie après la chute du mur de Berlin. Il a passé ses années d’exil en Amérique centrale. De retour au pays l’ancien révolutionnaire souhaite obtenir sa réhabilitation, quel qu’en soit le prix.
Giorgio (Isabella Ferrari) n’est pas un anti-héros, en tout cas pas ce genre de personnage qui même contre son gré fait le bien. Non Giorgio est un vrai salopard, une charogne comme l’appel un ancien camarade de lutte qu’il fait chanter, sans doute ce qu’il fait de moins répugnant de tout le film, pour faciliter son retour en Italie. Pendant une heure quarante-sept minutes cet ancien militant d’extrême gauche qui a fui l’Italie des années de plomb après un attentat qui fit une victime, va tout faire pour obtenir sa réhabilitation, s’enrichir et devenir un citoyen honnête. Pour arriver à ses fins le révolutionnaire démissionnaire ne reculera devant rien et surtout pas le meurtre.
Le film de Michele Soavi (Dellamorte dellamore) est donc l’histoire d’une conversion, celle d’un perdant de la révolution qui croupit dans la jungle d’Amérique centrale, qui prend bonne note de la chute du mur de Berlin et embrasse la société capitaliste avec cette fois l’envie de se joindre aux gagnants.
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Soavi parvient à humaniser son protagoniste principal sans pour autant pousser le spectateur à s’identifier à lui. Certes l’attentat qui a tué le veilleur de nuit et qui l’a contraint à quitter l’Italie le hante mais pas au point de vouloir payer pour son crime. S’il fait des cauchemars, les scènes oniriques rappellent que le réalisateur est passé par le fantastique, Giorgio n’est pas pour autant rongé par une mauvaise conscience qui le pousserait à chercher à s’amender.
D’ailleurs pourquoi le ferait-il tant les personnages qui l’entourent sont des crapules. Même des citoyens respectés comme le policier Anedda (Michele Placido) ou Sante Brianese (Carlo Cecchi) sont corrompus, le premier est un ripou et le second est un affairiste bon teins. De cette galerie de criminels petits et grands, d’anarchistes espagnols braqueurs de banque et de miliciens croates d’extrême droite tireurs d’élite, les rares personnages à ne pas être pourris sont deux femmes, l’une, Flora (Isabella Ferrari), paie chèrement les dettes de son mari, l’autre Roberta (Alina Nadelea) s’éprend de Giorgio, ce qui tombe bien puisqu’une épouse serait du meilleur effet pour son dossier de réhabilitation. Roberta est d’une telle candeur que la lumière qu’elle projette dans le film en renforce la noirceur.
Michele Soavi use de son savoir-faire filmique notamment pour donner des couleurs à son film noir, le réalisateur est un héritier de Dario Argento. Le réalisateur n’hésite pas à mettre des couleurs flashy, du rouge et du jaune, lorsqu’il filme l’intérieur du club dans lequel Giorgio atterrit. Ces couleurs soulignent la vulgarité du lieu (une boîte à partouze/bordel).
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Arrivederci amore, ciao c’est donc un film rare dans lequel le spectateur n’éprouve pas d’empathie pour le protagoniste principal qu’on ne peut décemment pas tenir pour un héros. Difficile de s’identifier à cet homme seul, incapable d’aimer sincèrement quelqu’un sans le faire souffrir et pourtant on est captivé par ce spectacle de la malfaisance humaine. Qu’un tel film existe et surtout qu’il fonctionne, car c’est un vrai bon film, est en soit réjouissant. Que son réalisateur, le très rare Michele Soavi, qui tourne peu pour le cinéma transalpin l’industrie étant là-bas ce qu’elle est, parvienne à porter une telle histoire qui nous fait visiter les égouts de l’Italie est un signe de son grand talent.
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R.V.
Bonus
Le titre du film, comme celui du livre dont il est l'adaptation, Arrivederci amore, ciao, est extrait des paroles de la chanson Insieme a te non ci sto più interprétée par Caterina Caselli, une star de la chanson italienne depuis les années 60, sur une musique de Paolo Conte.
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