Fortes têtes
So You Wannabe An Outlaw est un vrai faux album hommage à une certaine country concoctée du côté du Texas dans les années 70.
Steve Earle est un personnage chanteur, musicien, acteur, auteur et compositeur… L’homme a de multiples talents et a mené le genre de vie dont on ferait un biopic édifiant s’il n’était pas du genre réfractaire. Sa carrière commencée au mitan des années 70 avant d’exploser dans les années 80 (ce chef d’œuvre Copperhead Road qui voit les Pogues passés le temps d’un titre) a connu des hauts et pas mal de bas avec en prime une longue lutte contre la toxicomanie. Et oui ce n’est pas qu’une histoire de rockers. So You Wannabe An Outlaw est de l’aveu même de Steve Earle un album marqué par le deuil la perte de proches et de certains de ces artistes qui ont donné ces lettres de noblesse à une musique qui est bien d’avantage qu’une collection de chansons pour ploucs bas du front. Un album de deuil parce que Merle Haggard est mort et aussi un album rétrospectif, un retour sur les fondements musical d’un artiste qui revient rarement sur ses pas. Ce qui n’empêche pas Steve de glisser au milieu de cet album country un Fixin’ To Die qui est une manière de blues à la Led Zeppelin (avec sa grosse rythmique qui évoque When The Levee Breaks) un joyau de rock dur parce que c’est bien ainsi qu’il l’attend.
Et c’est bien là qu’on en vient aux Outlaws de la légende, à Waylon Jennings, l’homme qui aurait pu mourir avec Buddy Holly mais qui au dernier moment céda sa place à Big Bopper et à qui cet album est dédié, ou à Willie Nelson (le survivant celui qui est toujours là et qui doit se sentir de plus en plus seul). Le vétéran chante en duo la chanson titre So You Wannabe An Outlaw qui ouvre l’album du même nom. Ces Hors-la-loi de la country furent une poignée d’artistes qui à laurée des 70 s’affranchirent de Nashville, de son son bien propret et surtout de ses diktats. Ces fortes personnalités des gens qui étaient déjà dans la trentaine, avec derrière eux une quinzaine ou une vingtaine d’années de carrière entendaient faire les choses à leur manière certain quittèrent Music City pour s’installer au Texas d’autres tentèrent de subvertir l’establishment de Nashville de l’intérieur. De cette parenthèse a émergé une poignée d’albums incontournables et une floppée de chansons drôles, dures, violentes et pleine de vie. Steve Earle, pour qui ces années furent celle de la formation, à piocher dans ce répertoire pour conclure en beauté son album de 2017, avec le Ain’t No God In Mexico de Billy Joe Shaver l’histoire de virées sauvages de l’autre côté de la frontière et Are You Sure Hank Done It This Way de Waylon Jennings (deux des héros de l’excellente série animée Tales From The Tour Bus) ainsi que trois chansons de Willie Nelson.
Le reste de l’album oscille entre des ballades crève-cœurs (la sublime Goodbye Michelangelo), parce que la country c’est fait pour chialer dans sa bière, et des titres plus rythmés, parce que la country c’est aussi fait pour danser, le tout sans jamais abandonné l’humanité charriée par la plume de Steve Earle. Loin de la nostalgie So You Wannabe An Outlaw est un album atemporel qui restera aussi longtemps qu’il y a des gens avec assez de cœur pour des chansons écrites à hauteur d’homme.
|
R.V.