Connu au mieux comme le créateur de Conan, le personnage d’héroïque fantaisie qui a depuis longtemps échappé à son créateur, Robert E. Howard eut une vie courte et une œuvre pléthorique, cet article érafle à peine le sommet de l’iceberg
L’arBre Conan qui cache la forêt
Robert Ervin Howard (1906-1936) est de ces auteurs qui, bien que prolifiques et polyvalents, se voient résumés à l’une de leur création. Pour Conan Doyle c’est le personnage de Sherlock Holmes qui dissimule le reste de la production de son auteur, Dracula quant à lui éclipse le reste de l’œuvre Bram Stocker et pour Howard c’est son Conan qui trouble la perception que le grand public a de l’auteur texan qui fut l’un des correspondants de Howard Phillip Lovecraft et comme lui l’un des piliers du pulp Weird Tales.
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Nul n’ignore que Sherlock Holmes porte une casquette de chasse, pourtant celle qui vous vient à l’esprit n’apparaît nul part dans les écrits de Doyle, il s’agit d’une idée de mise en scène lorsque les aventures du prodigieux enquêteur furent jouées au théâtre. La signature visuelle de Sherlock Holmes reprise encore et encore par la suite échappe complètement au géniteur du personnage. Dans le cas du personnage de Conan ce phénomène est démultiplié car les aventures de Conan furent reprises par des continuateurs plus ou moins habiles qui créèrent une chronologie absente de l’œuvre original et façonnèrent l’image d’une brute musculeuse entourée de demoiselles en détresses plus ou moins dévêtues. Une caricature d’autant plus tenace qu’elle n’est pas absente de l’œuvre de Howard. Ce fut sur ce corpus remanié par d’autres que Howard que furent créés les comics Marvel dont Conan était le héros puis il y eut deux films (le premier est une réussite même s’il se démarque franchement de son modèle littéraire, le second est moins convainquant tout en étant un divertissement au mieux sympathique) et même une série animée pour enfants, en 1992, intitulée Conan l'Aventurier. Un dessin animé qui on s’en doute édulcore considérablement l'œuvre de Howard et donne à Conan une morale qu’il n’a pas. Plus près de nous il y eut Conan, titre sobre pour un film qui n’était pas très bon même si Jason Momoa n’était pas un mauvais choix pour incarner le Cimérien.
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Conan s’est tellement émancipé de son créateur que le nom de celui-ci est tombé dans l’oubli pourtant Robert E. Howard et son œuvre protéiforme ne méritent cette indifférence car ses écrits ont conservé intacte leur fraîcheur grâce à un style sans fioritures, direct, à l’os, des histoires sombres et pas toujours héroïques et aussi (facteur purement conjoncturel) parce que certaines de ces obsessions raisonnent avec l’actualité brûlante, Howard était fasciné par le Proche et le Moyen Orient que ce soit à travers les Croisades, la lutte entre Bayezid et Tamerlan ou les aventures d’El Borak qui se situent au début du XXe siècle.
Un auteur Texan
Né en 1906 dans le Texas Howard déménagent souvent avant que son père docteur ne se fixe en 1919 à Cross Plains une petite ville au cœur de l’état. Une petite ville mais avec une bibliothèque où Howard qui est un autodidacte fera son éducation. Pas d’études supérieures mais un savoir acquis dans les livres car Howard encouragé par sa mère est un lecteur fervent.
Howard est un Texan qui a grandi en écoutant des histoires de rivalités familiales, de raides des Indiens. Il fut aussi dans son enfance un témoin de la brutalité des travailleurs des champs de pétrole, de l’ensauvagement et des ravages de la civilisation. L’Ouest est encore sauvage en ce début de XXe siècle. Il a aussi entendu ces légendes sur les noirs et leur magie mystérieuse qui seront l’une des sources de son imaginaire horrifique et fantastique. Il fut aussi marqué par la violence bon enfant des cours de récréation et la nécessité de se défendre fusse avec ses poings. Enfin Howard pratiqua la boxe.
Il a une vision physique du monde, c’est un viriliste qui croit en l’action même violente. Ce virilisme ne l’a pas empêché de créer des personnages féminins intéressants dans la mesure où ces héroïnes étaient des femmes d’action capable de se battre pour leur droit, de commander à des pirates comme Bêlit (la seule femme aimée par Conan ?) ou de tirer au canon sur les Turcs lors du premier siège de Vienne comme la rousse Sonia de Rogatino ou la Française Agnès de Châtillon, une combattante qui ne se laisse pas faire et n'est pas manchote avec une épée.
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Lui-même lecteur de pulps (magasines à l’image médiocre mais seules publications à disposition pour les auteurs de science-fiction, de récits horrifiques, d’aventure et autres genres populaires) c’est tout naturellement qu’il se tourne vers ce genre de publication pour être édité. A 19 ans sa nouvelle « Lance et crocs » (une histoire préhistorique) se retrouve dans les colonnes de Weird Tales. Il lui faudra néanmoins trois ans et l’année 1928 pour que sa carrière ne s’affermisse avec la publication des aventures de Solomon Kane. Pour Conan il faudra attendre 1932 et la fin du personnage de Kull l’Atlante qui fut une première tentative d’heroic fantasy (on parle aussi de sword and sorcery, d’épée et de magie).
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Il meurt en 1936. Les raisons qui poussèrent Robert E. Howard au suicide restent mystérieuse : une mère morte depuis et une idylle qui tournait à l’aigre avec son seul béguin connu, la belle Novalyne Price, ne sont pas des explications complètement satisfaisantes mais de ce mystère-là on aura jamais la clé. Sa mort prématurée a de quoi laissé un goût amer quand on songe à ce que Howard aurait pu devenir en prenant de l’âge et de l’expérience.
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Howard en père de
l'heroic fantasy moderne
L’apport de Robert E. Howard à l’heroic fantasy est considérable et au côté de John Ronald Reuel Tolkien il figure en bonne place dans la lignée des pères fondateurs du genre. On pourrait même dire que le très Britannique Tolkien et le Texan Howard permettent d’établir une cartographie du genre tel qu’il a fini par s’imposer au XXe siècle tant leurs approches sont divergentes mais complémentaires. Commençons par ce qui unit ces deux auteurs, l’âge hyborien de Howard n’a rien à envier à la Terre du Milieu et ces deux créations placent le lecteur dans un temps très ancien de nôtre Terre. L’univers de Conan est riche de pirates, de kozaks, de chevaliers, de sorciers et de créatures ophidiennes monstrueuses ce qu’il n’a pas c’est une figure du mal et des forces du bien qui lutte contre elle. Il y a peu de grandes vertus dans les aventures de Conan, pas de Bien pour guider vos actions, mais il y a beaucoup d’êtres malfaisants qui méritent d’être combattus. Tolkien est un universitaire méticuleux qui a écrit des histoires parce qu’il voulait un cadre aux langues qu’il inventait. Plus prosaïque la fantasy de Howard à cet aspect terre à terre qui se garde d’opter pour une vue trop surplombante.
Howard est le père de l’anti-héros qui faute de boussole morale agit avant tout pour vivre un jour de plus en suivant quelques principes. Ni fondamentalement bon ni mauvais de naissance ces héros affrontent des adversaires desquels ils triomphent mais sans pour autant rencontrer de victoire définitive. Dans la nouvelle "Au-delà de la Rivière noire" si Conan a tué Zogar Sag le chef sorcier des barbares Pictes il n’a pu empêcher la destruction de la colonie hyborienne. D’ailleurs ne confit-il pas, dans ce qui est l’une des rares fois où il parle de son peuple, les Cimmériens, qu’il avait lui-même pris part aux massacres de colons hyboriens qui avaient par trop empiété sur la Cimmérie. Dans une veine toute aussi noire il y a "Les clous rouges". Conan, mercenaire et déserteur, est jeté en compagnie de Valeria, un personnage féminin qui n’est pas une potiche, au milieu de la guerre inexpiable et impitoyable que se livrent les derniers habitants de la cité isolée de Xuchotl. Divisés en deux factions les citadins s'entretuent depuis des siècles au point de n’être plus qu’une poignée à occuper ce qui a été une ville grouillante, prospère et florissante. Dans cette histoire le rôle du héros Conan se borne à accélérer la destruction des deux camps laissant derrière lui une ville morte. Ce motif on le retrouve dans "Les Dieux de Bal-Sagoth" avec là encore une vieille civilisation dégénérée et isolée.
Howard est le père de l’anti-héros qui faute de boussole morale agit avant tout pour vivre un jour de plus. Ni fondamentalement bon ni mauvais de naissance ces héros affrontent des adversaires desquels ils triomphent mais sans pour autant rencontrer de victoire. Dans la nouvelle "Au-delà de la Rivière noire" si Conan a tué Zogar Sag le chef sorcier des barbares Pictes il n’a pu empêcher la destruction de la colonie hyborienne. D’ailleurs ne confit-il pas, dans ce qui est l’une des rares fois où il parle de son peuple, les Cimmériens, qu’il avait lui-même pris part aux massacres de colons hyboriens qui avaient par trop empiété sur la Cimmérie.
Certes il y a parfois des textes plus faciles, des récits qui ne tiennent que par le travail de leur auteur et son savoir-faire mais cette noirceur fait la grandeur de l’univers de Howard dans lequel l’émergence de civilisations est aussi inévitable que leur décadence qui mènent à leur inéluctable destruction. Une destruction interne qu’un élément extérieur ne fait que par achevé. Ce ton pessimiste est absent du Seigneur des Anneaux et même si la noirceur n’est pas absente du Silmarillion (la chute des grandes places fortes elfes comme celle de Gondolin est dans l’esprit assez howardienne) néanmoins, fusse au prix d’un cataclysme, le Mal est vaincu. Le Bien triomphe, la lumière dissipe les Ténèbres. Cette victoire du Bien sur le Mal est absente de l’œuvre de Robert E. Howard puisque le Mal (et donc le Bien) sont absents de l’équation. Les héros howardiens peuvent croiser des êtres surnaturels et malfaisant mais ils ne sont pas les multiples facettes d’un Mal unique qui existerait par lui-même.
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L’écriture de Howard possède une flamme païenne, ces Pictes qui courent dans la forêt et font du canoë et ravage la colonie aquilonienne dans "Au-delà de la Rivière noire" empruntent autant si ce n’est plus aux Indiens des romans de Fenimore Cooper (Le dernier des Mohicans) qu’aux farouches guerriers qui résistèrent aux romains. Loin d’être des êtres inféodés à quelque entité incarnation d'un Mal absolu, comme peuvent l’être certains peuples chez Tolkien, les Pictes de Howard défendent leur terre et leurs actions sont aussi (in)justifiables que celles de leurs ennemis. Ces Pictes, plus ou moins historiques courent tout au long de la production de fantasy de Howard depuis Kull jusque Bran Mak Morn en passant par Conan. Loin de l’imagerie aryenne du grand blond les Pictes sont de loin les favoris de l’auteur même s’il n’est pas tendre avec eux et se plait à les malmener.
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La construction d’une histoire d’avant le déluge qui inclus mais pas exclusivement l’âge hyborien offrait un cadre aux aventures de Kull l’Atlante ou de Conan le Cimérien sont des rationalisations a posteriori dans le cas du personnage de Kull et une tentative de donner de la cohésion entre ce personnage et le Conan à venir. Avec son histoire d’avant l’histoire Howard crée un canevas qui devait lui donner la liberté que ce féru d’histoire avec sa grande hache recherchait.
Un souffle historique
Mais Howard n'est pas seulement l'un des pères de l'heroic fantasy au côté de Tolkien et l'un des maîtres du sword and sorcery, il s'illustra aussi dans des récits de fictions historiques où l'on croise Gengis Khan, Soliman le Magnifique ou Saladin.
Les récits de Robert E. Howard sont captivants grâce au souffle épique que l’auteur met au service de ses écrits de fantasy comme de ses aventures historiques. Howard était un grand amateur de récits ancrés dans l’histoire. En 1933 il expliquait :
« En ce qui me concerne, il n’est aucun travail littéraire qui ne soit, ne serait-ce qu’à moitié, aussi enthousiasmant que de réécrire l’histoire romanesque. […] La moindre page de l’Histoire regorge d’événements dramatiques qui ne demandent qu’à être couchés sur le papier. On trouve parfois suffisamment de matière dans un simple paragraphe pour remplir un volume entier de fiction […] » (traduction Fabrice louinet, in Le Seigneur de Samarcande) |
Ce goût pour l’histoire le porte vers des événements dramatiques la fin des royaumes latins d’Orient avec un personnage comme Cormac FitzGeoffrey, un guerrier Irlandais venu en Terre Sainte pour fuir son île et qui dans le récit Les Faucons d’Outremer mène une vendetta personnelle qui n’a que peu à voir avec la sauvegarde des Lieux saints ou le rachat des péchés, certes il n’aime pas les musulmans cependant il doit admettre que Saladin est un homme d’honneur et tout au contraire il ne se fait pas prier pour tuer un baron Allemand félon d’un coup de hache. L’opposition entre le Sultan Bayazid et Timur Lang est quant à elle narrée dans Le Seigneur de Samarcande grâce à l’histoire de Donald MacDeesa, survivant de la bataille de Nicopolis après laquelle il jura de se venger du sultan Ottoman. Dernier exemple de ce goût pour le drame historique, L’ombre du vautour qui commence après la bataille de Mohács et se poursuit avec le premier siège de Vienne par les Ottomans dont le Sultan n’était autre que Soliman le Magnifique. Le héros ici est Gottfried von Kalmbach, un chevalier Allemand, qui comme beaucoup de héros howardiens est un guerrier farouche mais il est moins sombre que la plupart de ses congénères et il est secondé par la rousse Sonya de Rogatino, sœur de Roxelane, l’épouse de Soliman, qui hait les Ottomans de tout son cœur. Personnage secondaire du récit, centré sur Gottfried, elle est néanmoins marquante car elle est bien plus qu’un argument décoratif ou une touche sexy dans le récit, Sonya se bat vraiment tirant au canon sur les assiégeants avant d’aller au contact des janissaires qui prennent d’assaut les murs de la ville.
Un style nerveux
S’il est admis que Lovecraft, le Maître de Providence, est un grand auteur il n’est pas interdit de préférer l’écriture de Howard qui n’a pas les archaïsmes et certaines des lourdeurs du créateur de Cthulu qui était très marqué par la littérature de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, Edgar Poe et aussi le roman gothique anglais (Horace Walpole, Ann Radcliffe…). L’écriture de Howard ne cherche pas à imiter les poèmes épiques de jadis ou des auteurs disparus. Ce qui frappe c’est le modernisme de l’écriture, même lorsque les protagonistes sont des chevaliers du XIIe siècle participant aux Croisades ou ces Irlandais qui se sont battus à la bataille de Glontarf contre les envahisseurs vikings leur discours sonnent juste parce que les personnages howardiens parlent directement et sans fioritures superflues aux lecteurs.
Un personnage comme El Borak, qui est un contemporain de son auteur, ne se distingue de Conan, Turlogh Dubh O'Brien ou Cormac FitzGeoffrey que par le fait que lui utilise un fusil. El Borak, de son vrai nom Francis Xavier Gordon est un Texan d’El Paso, un homme de la frontière qui s’est installé en Asie Centrale, en Afghanistan pour être précis, pour pouvoir mener une vie qu’il ne peut plus menée dans l’Ouest la civilisation ayant rattrapé un Ouest plus assez sauvage à son goût. La nouvelle Les Epées des collines El Borak poursuivi par Hunyadyi, un ennemi Hongrois, trouve refuge auprès de descendant des Macédoniens venus dans la région pendant l'époque hellénistique. Howard s’est ici approprié un thème cher à la littérature de la fin du XIXe siècle illustré avant lui par des auteurs comme Rudyard Kipling (« L’homme qui voulut être roi »).
Howard a une écriture résolument XXe siècle sans archaïsme excessif et surtout concise pour mieux servir son style nerveux tourné vers l’action et à l’aventure, voilà résumé le style de Robert E. Howard. Les personnages de Howard sont, pour le dire avec de grands mots, des existentialistes qui se définissent par ce qu’ils font, ce qu’ils vivent et ont vécu et non pas par leurs pensées secrètes et leurs tourments intérieurs. A la lecture des écrits de Howard on apprend rien ou presque sur la vie de Conan que ce soit sa famille (ni père ni mère) ou sur la Cimmérie qui l’a vu naître, d’ailleurs on ne croise pas d’autres Cimmériens que Conan. On le suit des glaces du Nord aux forêts tropicales mais jamais Conan ne retourne vers le pays qui l’a vu naître.
Cette écriture à l’os est adaptée à un point de vue qui est aussi proche que possible des personnages et donc de l’action. Le narrateur n’est pas un dieu omniscient qui regarde tout d’en haut et n’ignore rien des tenants et des aboutissants de ce qu’il a sous les yeux. Le lecteur, dans la foulée des personnages, découvre le monde qui l’entoure au fur et à mesure. Les personnages en savent parfois un peu plus que le lecteur mais guère. On lit les récits de Howard comme on regarderait un documentaire, caméra à l’épaule, ça bouge un peu, ce n’est peut-être pas toujours bien cadré mais nous sommes au cœur de l’action, là où ça se passe.
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un fantastique hanté
par l’esclavage
Cette approche sensorielle, à ras du sol, au plus près des personnages fait aussi des merveilles dans les récits fantastiques de Robert Howard. Ces derniers sont aussi une belle occasion de juger de la différence de style entre Lovecraft le Maître de Providence et son disciple du Texas et de constater que Howard finit par prendre l’ascendant sur son modèle. Si le Texan est d’abord très influencé par son collègue de Nouvelle-Angleterre qu’il voit au début comme un maître, Howard garde son style à lui et finira même par se façonner un univers propre fait de légendes du Vieux Sud et d’histoires qui reflètent ce qu’il y a dans les tréfonds de l’inconscient collectif américain.
Dans la nouvelle « Les Pigeons de l’Enfer » Howard s’offre une mise en boîte si ce n’est de Lovecraft lui-même du moins de ses personnages de WASP de la Nouvelle-Angleterre si prompts à se laisser terrasser par la peur. Cette nouvelle mais en effet face à face Griswell un touriste de Nouvelle-Angleterre venu avec un ami d’enfance goûté à la douceur du Sud et le sheriff Buckner, homme de loi à la tête froide et aux pieds sur terre. Buckner est aussi le protagoniste principal de la nouvelles « Les Ombres de Canaan », dans laquelle ce dur à cuir howardien est mené par le bout du nez par une belle métisse aux desseins des plus tortueux. Dans « Les Pigeons de l’Enfer » l’ambiance est autre et cette opposition entre l’homme du nord-est des Etats-Unis et son compatriotes du Sud n’est pas qu’une affaire de tempérament, là où Lovecraft a recours à des monstres venus d’outre-espace ou des tréfonds océaniques Howard lui n’a qu’à se tourner vers l’histoire de sa région natale pour trouver des histoires vraiment horribles et mettre le doigt dans une frayeur existentielle, la peur blanche du Noir.
Ce sont ces quelques récits qui donnent à Howard toute sa modernité, mieux encore toute sa contemporanéité, car il s’affronte à une horreur qui a un goût de réel. Certes il use du mot nègre avec une fréquence propre a heurté certaine sensibilité mais ce focaliser sur ce point de vocabulaire c’est perdre de vue que l’auteur, peu raciste pour son temps, c’est un contemporain du second Ku Klux Klan, même si Howard est emporté parfois par certains des préjugés de son temps il est très loin d’idéaliser la soi-disant race blanche, le dénouement cauchemardesque des « Pigeons de l’Enfer » en est la preuve. Le Mal qui hante les anciens Etats esclavagistes et plus généralement les Etats-Unis ce n’est pas la magie africaine voire antillaise des noirs ou la cruauté d’une race réputé sauvage ou la bestialité d’humains encore proches de la nature mais la cruauté des blancs. « Les Pigeons de l’Enfer » fait peur parce que cette nouvelle qui tient a peu de chose tape juste un point sensible même dans nos sociétés modernes. Elle met un éclairage cru sur un pant peu reluisant de la psyché états-uniennes.
Un dernier mot
(et peut être un peu plus...)
Robert E. Howard, quel que soit le genre qu’il aborde, est un auteur qui ne vous fera pas la leçon, il ne vous dira pas ce qui est bien ou pas, par contre il vous emmènera dans des ailleurs de rêve et de cauchemar, d’exaltation et de frisson. Dans un passé fantasmé et assumé comme tel ou bien recréé pour les besoins de la fiction sur une trame où s’entrelace le vrais et le faux. Les histoires de Robert E. Howard sont captivantes grâce à un sens du rythme et une vivacité qui sont réjouissants, elles vous emportent vers des mondes fictifs mais encrés dans l’histoire, des mondes dangereux et pleins de périls qui ne sont pas tous surnaturels.
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Et même lorsque parfois Robert E. Howard se laisse aller à la facilité (ces écrits devaient bien être vendus) son art de conteur fait merveille et sauve de l'ennui des histoires routinières ou convenues.
Où trouver la prose
de RoBert Howard ?
Les œuvres de Howard sont éditées en France par Bragelonne qui a ouvert une collection qui lui est dédiée. Vous y trouverez les textes évoqués ici et de nombreuses autres histoires enchanteresses.
Chaque volume comprend une préface et une postface signées par Patrice Louinet responsable de la collection Robert E. Howard avec en prime des textes inédits (synopsis, premières versions, lettres...) et de belles illustrations. Du copieux en somme et un beau travail éditorial qu'il faut saluer. |
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