WHEN YOU'RE
STRANGE
C’est l’histoire d’un mec qui a d’abord aimé être célèbre puis qui a fini par moins aimer ça et qui est mort alcoolique à Paris.
Un film de Tom DiCillo avec la participation de Johnny Depp.
|
|
Un fan du groupe n’apprendra sans doute rien dans ce When You’re Strange mais il le regardera quand même car ce doc de Tom Dicillo parle bien, trop bien peut-être, de son groupe fétiche. Le curieux aura le droit à un conte édifiant sur la vie tragique d’une étoile filante du rock. L’amateur de document d’archive pourra lui aussi trouver son compte tant The Doors est un groupe qui a beaucoup été filmé (en concert, pour la télévision, en privé…). When You’re Strange n’est d’ailleurs rien d’autre qu’un beau travail d’archives montées qui illustrent l’histoire racontée par une voix off. Cette voix off, initialement celle du réalisateur, n’est autre que celle de Johnny Depp qui se débrouille bien dans le rôle du narrateur.
Le documentaire volontiers didactique suit une trame chronologique une fois passée une introduction qui commence par (spoiler alert) la mort de Jim Morrison. Cet aspect didactique peut être une petite faiblesse pour ce film car s’il aborde ce que la musique du groupe pouvait avoir d’étrange et d’inouïe, s’il ne contourne pas les questions qui tournent autour de la difficile gestion de la célébrité, qui tournent aussi autour du goût de Morrison pour les drogues et l’alcool (surtout l’alcool, en fait) l’ensemble est lisse et bien ordonné. Le film biographique d’Oliver Stone, en dépit de tous ses défauts, essaient de rendre le chaos qu’avait fini par devenir la vie de Jim Morrison, ici le documentaire ne se départie pas de son récit scolaire bien construit.
|
Le revers de la médaille est que When You’re Strange a des airs d’hagiographie, nous suivons étape par étape la vie de saint Jim Morrison. C’est là où le manque de témoignage se fait sentir, le narrateur nous dit que Jim Morrison était parfois invivable quand il avait trop bu mais faute d’images d’archives cela reste vague. Johnny Depp nous dit qu’il pouvait être violent mais il n’y a rien pour incarner, Jimbo, le mauvais géni qui se cachait dans les bouteilles qu’éclusait le chanteur barbu. Mais après tout on ne dit pas de mal des morts et presque 50 ans les à-côtés sordides de la vie de Jim Morrison ne méritent peut-être pas d’être remontés à la surface.
Car ce que rend parfaitement ce documentaire c’est le temps qui s’est écoulé. En voyant que c’était des policiers en uniforme et avec matraque qui faisait le service d’ordre on comprend que des faits menus ont pu prendre une ampleur disproportionnée. Mais à l’époque les concerts de rock étaient encore un phénomène nouveau qui attirait une foule croissante et personne ne savait comment gérer des événements qui n’étaient pas vraiment raccord avec la morale bourgeoise. Il faut les voir ces flics complétement largués.
When You’re Strange est malgré les petites réserves évoquées est film intéressant car il témoigne d’une époque révolue moins idyllique que ce que laisse imaginer une certaine nostalgique actuelle. Les années 60 furent aussi une décennie de violence (les assassinats politiques rythmes le film), d’incertitudes et d’errance. Jim Morrison et le reste des Doors étaient moins des provocateurs que l’image de certaines des contradictions et des indécisions de leur temps. Et puis il y a la musique des Doors qui a, mais si, bien vieilli si ce n’est pas un argument suffisant passer votre chemin.
R.V.