Satan Is Real / Handpicked Songs
L'art de la réédition
Les américains du label Light in the attic sont des doux dingues qui rééditent avec un soin maniac des pépites du temps jadis souvent inconnues ou méconnues. Ils ont ainsi participé à la découverte de Sixto Rodriguez (ils rééditèrent Cold Fact en 2009), ils vouent part ailleurs un culte à Lee Hazlewood qui les pousse à rééditer le moustachu aux nombreux talents (chanteur, producteur, compositeur…) ainsi que les enregistrements de son label LHI Records, enfin, à titre non exhaustif on leur doit également une jolie compilation d’une chanteuse Soul, Wendy Rene, qui connut une renommée tardive grâce au Wu-Tang Clan qui sampla son titre After Laughter (Comes Tears) pour charpenter leur propre morceau Tearz, l’un des sommets de leur premier album.
Mais cet article ne parlera pas de tout ça ni même du label Light In The Attic mais se focalisera sur l’une de ses parutions, le double album Satan Is Real/Handpicked Songs des Louvin Brothers.
Mais cet article ne parlera pas de tout ça ni même du label Light In The Attic mais se focalisera sur l’une de ses parutions, le double album Satan Is Real/Handpicked Songs des Louvin Brothers.
Une compilation originale : Handpicked Songs
Plutôt qu’une simple réédition de Satan Is Real, même enrichie de titres bonus comme il est d’usage (le plus souvent une poignée de démos, de prises alternatives et de titres en concert à l’intérêt très variable) Light in the attic propose, pour l’édition en CD, en plus de l’album original une compilation dont les titres sont choisis par des pointures de la musique country ou du rock indé. Soit un double album présenté dans un beau digipack et agrémenté d’un livret copieux.
C’est quatorze titres sont une parfaite initiation à l’œuvre subtile et d’une grande sensibilité des Louvin Brothers. Les titres piochés entre 1955 et 1962 montrent deux artistes au savoir-faire époustouflant et pourtant à aucun moment l’auditeur n’est écrasé par une quelconque esbroufe technique. On retrouve ici le double répertoire des frères : le religieux et le profane. Et puisque l’on parlera longuement du premier aspect du répertoire dans les lignes consacrées à Satan Is Real, attardons-nous sur les chansons profanes.
Ce qui frappe c’est la diversité au côté des chansons sur le thème de l’amoureux malheureux (My Baby’s Gone, choix de Graham Nash, Low and Lonely, ou You’re Running Wild, choisi par Zooey Deschanel) on trouve un chant d’amour au pays natal des Louvin Brothers (Alabama, sélectionné par Will Oldham) et une murder ballad des Appalaches, Knoxville Girl, qui aurait des origines élisabéthaines, et qui a de quoi glacer le sang des plus endurcis, ce n’est pas souvent qu’un meurtrier nous chante son méfait. Dolly Parton quant à elle choisit Cash on The Barrelhead chronique amère d’un homme sans le sou, ce titre figurait sur l’album posthume de Gram Parsons (Grievous Angel arrivé dans les bacs des disquaires peu après la mort du héros tourmenté de la country-rock). L’album s’achève sur un vrai crève-cœur une manière de doo wop avec la rythmique tournoyante chère à ce genre. I Wish It Had Been A Dream, élu par M. Ward qui avec Zooey Deschanel forme le duo She & Him, est une ballade lacrymale de haute volée qui clôture magnifiquement cette compilation.
La diversité de ce répertoire trouve son unité dans le chant de Charlie et Ira, non qu’ils chantent tout de la même manière mais parce que l’auditeur ravi retrouva sur chacun des quatorze morceaux ici rassemblés ces harmonies vocales et ce chant clair et dépouillé au service du texte. Il n’y a pas d’intentions cachées, ces quatorze pépites sont honnêtes et franches, pas de second ou de dixième degré, ni de paroles absconses, ce qu’elles ont à dire elles le disent clairement.
C’est quatorze titres sont une parfaite initiation à l’œuvre subtile et d’une grande sensibilité des Louvin Brothers. Les titres piochés entre 1955 et 1962 montrent deux artistes au savoir-faire époustouflant et pourtant à aucun moment l’auditeur n’est écrasé par une quelconque esbroufe technique. On retrouve ici le double répertoire des frères : le religieux et le profane. Et puisque l’on parlera longuement du premier aspect du répertoire dans les lignes consacrées à Satan Is Real, attardons-nous sur les chansons profanes.
Ce qui frappe c’est la diversité au côté des chansons sur le thème de l’amoureux malheureux (My Baby’s Gone, choix de Graham Nash, Low and Lonely, ou You’re Running Wild, choisi par Zooey Deschanel) on trouve un chant d’amour au pays natal des Louvin Brothers (Alabama, sélectionné par Will Oldham) et une murder ballad des Appalaches, Knoxville Girl, qui aurait des origines élisabéthaines, et qui a de quoi glacer le sang des plus endurcis, ce n’est pas souvent qu’un meurtrier nous chante son méfait. Dolly Parton quant à elle choisit Cash on The Barrelhead chronique amère d’un homme sans le sou, ce titre figurait sur l’album posthume de Gram Parsons (Grievous Angel arrivé dans les bacs des disquaires peu après la mort du héros tourmenté de la country-rock). L’album s’achève sur un vrai crève-cœur une manière de doo wop avec la rythmique tournoyante chère à ce genre. I Wish It Had Been A Dream, élu par M. Ward qui avec Zooey Deschanel forme le duo She & Him, est une ballade lacrymale de haute volée qui clôture magnifiquement cette compilation.
La diversité de ce répertoire trouve son unité dans le chant de Charlie et Ira, non qu’ils chantent tout de la même manière mais parce que l’auditeur ravi retrouva sur chacun des quatorze morceaux ici rassemblés ces harmonies vocales et ce chant clair et dépouillé au service du texte. Il n’y a pas d’intentions cachées, ces quatorze pépites sont honnêtes et franches, pas de second ou de dixième degré, ni de paroles absconses, ce qu’elles ont à dire elles le disent clairement.
De quoi convertir
l’athée le plus convaincu ?
Satan Is Real
Mais revenons un peu à l’album Satan Is Real et aux frères Louvin. Un duo et deux frères : Charlie (chant et guitare) et Ira (chant et mandoline). Un duo pour des harmonies vocales qui s’entremêlent, les frères chantent dans des tessitures proches ou alors ils s’échangent leur partie, celui qui chantait les aigus prend les grave et vice versa. Un duo qui annonce les Everly Brothers avec peut-être plus d’amour fraternel mais la vie sur la route et l’alcoolisme de l’ainé, Ira, plus vieux et plus grand que son cadet, a fini par avoir raison du groupe en 1963.
Natifs de l’Alabama les frères Loudermilk sont élevés dans la religion baptiste et tout au long de leur carrière ils brilleront dans la country gospel même s’ils écriront et chanteront aussi des chansons profanes.
Comme on peut s’en douter Satan Is Real appartient au registre gospel, au long des douze chansons au programme de cet album, les frères chantent la piété, la fois et la peur de Satan tout en blâmant l’alcoolisme. L’enregistrement de cet album se passe à Nashville pour le compte de Capitol Records, la compagnie basée à Los Angeles, et le disque sort le 16 novembre 1959. Le rock’n’roll a déjà tout chamboulé mais les frères Loudermilk ne mangent pas dans ce pain-là, ils enregistrent de la country qui a un indéniable parfum années 50 mais qui semble construite en opposition à Elvis et consort. En fait ils sont un peu ringard, ils n’ont rien à dire à ces adolescents qui se sont entichés d’Elvis Presley, de Little Richard, de Gene Vincent… Les Louvin Brothers sont loin de la furie et du débraillé du rockabilly, la guitare électrique est bien sage et même les titres les plus enlevés (comme There’s a Higher Power) sont loin de la sauvagerie de Jerry Lee Lewis. Comme Charlie Louvin l’a dit plus tard :
« Nous nous en sortions pas mal. Puis Elvis a débarqué. Ça a fait beaucoup de mal à la country music – ça a changé toute la musique. Et mon frère a bu davantage. »
Pourtant cette musique est si belle qu’on se fout bien vite que ces deux gars n’aient pas succombé à la dernière mode.
Natifs de l’Alabama les frères Loudermilk sont élevés dans la religion baptiste et tout au long de leur carrière ils brilleront dans la country gospel même s’ils écriront et chanteront aussi des chansons profanes.
Comme on peut s’en douter Satan Is Real appartient au registre gospel, au long des douze chansons au programme de cet album, les frères chantent la piété, la fois et la peur de Satan tout en blâmant l’alcoolisme. L’enregistrement de cet album se passe à Nashville pour le compte de Capitol Records, la compagnie basée à Los Angeles, et le disque sort le 16 novembre 1959. Le rock’n’roll a déjà tout chamboulé mais les frères Loudermilk ne mangent pas dans ce pain-là, ils enregistrent de la country qui a un indéniable parfum années 50 mais qui semble construite en opposition à Elvis et consort. En fait ils sont un peu ringard, ils n’ont rien à dire à ces adolescents qui se sont entichés d’Elvis Presley, de Little Richard, de Gene Vincent… Les Louvin Brothers sont loin de la furie et du débraillé du rockabilly, la guitare électrique est bien sage et même les titres les plus enlevés (comme There’s a Higher Power) sont loin de la sauvagerie de Jerry Lee Lewis. Comme Charlie Louvin l’a dit plus tard :
« Nous nous en sortions pas mal. Puis Elvis a débarqué. Ça a fait beaucoup de mal à la country music – ça a changé toute la musique. Et mon frère a bu davantage. »
Pourtant cette musique est si belle qu’on se fout bien vite que ces deux gars n’aient pas succombé à la dernière mode.
La chanson qui donne son titre à l’album est un pur bijou, c’est une histoire édifiante, une chanson narrative comme les aime la country. Elle commence par le refrain avec un accompagnement batterie, guitare, basse… puis en spoken words une voix un peu nasillarde à l’accent trainant du Vieux Sud nous raconte sur fond d’orgue que dans une église un preacher porte la bonne nouvelle « God is real ! » Nous fermons les yeux et nous y sommes l’organiste joue et il fait bon. Dans l’assistance un homme se lève, il interpelle le pasteur « Preacher tell them that Satan is real too. » C’est un homme qui a connu la déchéance et qui a entraîné sa famille dans le pêché. Sa conclusion est simple Satan est réel et l’enfer aussi.
Il y a là une évidence, si Dieu existe alors le Diable aussi et le pêché entraîne le malheur sur l’homme ou la femme qui s’y abandonne. Satan existe et il veut la perte de l’homme et dans le cas des frères Louvin c’est par l’alcool qu’il cherche à perdre Ira.
Comme pour se remettre de cette révélation qui n’est pas des plus gaies le titre suivant est un gospel joyeux, au rythme enlevé, c’est There’s A Higher Power ponctué de tonitruants « Amen ! » Ensuite c’est un nouveau changement de rythme, on ralentit le tempo pour Christian Life le temps d’entendre la parole d’un homme qui a fini par trouver Dieu, c’est l’occasion pour ceux qui sont loin de la religion de savoir ce qu’un borna gain a dans la tête ! Christian Life a été repris quelques années plus tard par les Byrds sur Sweetheart of The Rodeo alors que Gram Parsons (oui encore lui) faisait partie du groupe.
Le thème de l’alcoolisme, du besoin de trouver le salut et des conséquences du manque de tempérance des sujets qu’on imagine d’importance pour les deux frères sont illustrés par les chansons The Kneeling Drunkard Plea et The Drunkard’s Doom.
Pas besoin d’être croyant pour apprécier cet album néanmoins c’est une œuvre d’évangélisation (gospel veut dire évangile) et il faut admettre que les deux savaient y faire pour chanter Dieu et faire chanceler la foi athée du plus fervent des incroyants. La chanson He Can Be Found est une redoutable machine à faire des chrétiens ! Le propos n’est d’ailleurs seulement sinistre il laisse de la place pour l’espoir, le croyant n’a pas à craindre le Malin (Satan’s Jewel Crown) car Dieu est plus fort et il n’est jamais trop tard pour trouver le salut.
Il y a là une évidence, si Dieu existe alors le Diable aussi et le pêché entraîne le malheur sur l’homme ou la femme qui s’y abandonne. Satan existe et il veut la perte de l’homme et dans le cas des frères Louvin c’est par l’alcool qu’il cherche à perdre Ira.
Comme pour se remettre de cette révélation qui n’est pas des plus gaies le titre suivant est un gospel joyeux, au rythme enlevé, c’est There’s A Higher Power ponctué de tonitruants « Amen ! » Ensuite c’est un nouveau changement de rythme, on ralentit le tempo pour Christian Life le temps d’entendre la parole d’un homme qui a fini par trouver Dieu, c’est l’occasion pour ceux qui sont loin de la religion de savoir ce qu’un borna gain a dans la tête ! Christian Life a été repris quelques années plus tard par les Byrds sur Sweetheart of The Rodeo alors que Gram Parsons (oui encore lui) faisait partie du groupe.
Le thème de l’alcoolisme, du besoin de trouver le salut et des conséquences du manque de tempérance des sujets qu’on imagine d’importance pour les deux frères sont illustrés par les chansons The Kneeling Drunkard Plea et The Drunkard’s Doom.
Pas besoin d’être croyant pour apprécier cet album néanmoins c’est une œuvre d’évangélisation (gospel veut dire évangile) et il faut admettre que les deux savaient y faire pour chanter Dieu et faire chanceler la foi athée du plus fervent des incroyants. La chanson He Can Be Found est une redoutable machine à faire des chrétiens ! Le propos n’est d’ailleurs seulement sinistre il laisse de la place pour l’espoir, le croyant n’a pas à craindre le Malin (Satan’s Jewel Crown) car Dieu est plus fort et il n’est jamais trop tard pour trouver le salut.
Un DERNIER MOT
L’album Satan Is Real et la compilation Handpicked Songs bénéficient d’un son splendide qui tout en mono rend justice à ces enregistrements de la seconde moitié des années 50 et du début des années 60. Le son est beau et rend bien la curieuse dynamique du duo et aussi plus généralement de cette country aimable entre toute qui tire tout son attrait de cette apparente simplicité.
Non vraiment il serait idiot de passer à côté de tant d’enchantement.
Allez en paix. La messe est dite.
Non vraiment il serait idiot de passer à côté de tant d’enchantement.
Allez en paix. La messe est dite.