Comment j’ai appris
à cesser de m’en faire
et à aimer la BomBe
Pour son premier film en tant que réalisateur Antonin Baudry film ce qu’on voit rarement dans le cinéma français, ceux qui font la guerre
Synopsis : Lors d’une mission de récupération d’un commando français au large de la Syrie, l’une des « Oreilles d’or » du sous-marin le Titane, Chanteraide, entend quelque chose qu’il n’identifie pas. Cette erreur met l’équipage et le commando en péril. De retour à terre Chanteraide reprend son enquête pour percer le mystère du mystérieux son qu’il a entendu.
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Réalisation : Abel Lanzac (Antonin Baudry)
Scénario : Abel Lanzac (Antonin Baudry) Distribution :
Année : 2019 |
Le chant du loup est le premier long métrage réalisé par Abel Lanzac, le pseudonyme du diplomate Antonin Baudry (Quai d’Orsay), qui en est aussi le scénariste, c’est un drame, un thriller et aussi un film de guerre. Nous sommes très loin de la comédie ou du drame sentimental plus ou moins bourgeois de ces films qui forment les gros bataillons de la production hexagonale. Le chant du loup est donc une rareté dans le cinéma français contemporain. Ce n’est pas que le cinéma français ne traite pas de la guerre, c’est plutôt qu’il le fait rarement et que quand il le fait c’est avec un temps de retard. Tourner en 2019 des films sur les guerres coloniales, singulièrement l’Algérie, ce n’est pas abordé un sujet d’une actualité brûlante. Le chant du loup se passe aujourd’hui, ou plus tôt demain ou après-demain grand maximum, dans une réalité qui pourrait être la nôtre. Les premières minutes du film sont haletantes. Elles plongent le spectateur dans le grand bain d’une mission de récupération d’un commando non loin de la base navale de Tartous en Syrie. Catapulté directement dans l’action, le spectateur est un peu étourdi par le langage des sous-mariniers, un jargon poétique et étrange qui tranche avec ce que l’on pourrait attendre de militaires. Peut-être est-ce la marine qui explique ce langage imagée ? Un vocabulaire fait d’expressions comme Oreille d’or (le sous-marinier formé à la guerre acoustique) et le chant du loup, qui donne son titre au film, c’est ce cri déchirant qui signale que le sous-marin a été repéré.
Le scénario lorgne, passé son démarrage en trombe, vers le thriller pour dynamiser le ventre mou que constitue le retour à terre. Dans cette partie du film le héros, Chanteraide (François Civil, une étoile montant du cinéma français comme on disait naguère), l’Oreille d’or du sous-marin, est hanté par ce qu’il a entendu et qu’il n’a pas su identifier faisant ainsi courir un grave danger au reste de l’équipage. On pense alors à Blow out de Brian De Palma et à son personnage de preneur de son qui a enregistré un bruit qui lui donnera la clé d’un meurtre. Personnage monomaniaque Chanteraide cherche à percer le mystère de ce qu’il a entendu. L’intrigue repose largement sur un jeu de faux-semblant, une machination diabolique et au final une course contre la montre captivante. Chanteraide est un personnage touchant dans son obsession mais pas complétement sympathique avec son ouïe surhumaine, plus une malédiction qu’une bénédiction, nous sommes en France, pas exactement le pays des super héros. Il a des défauts, il ne se coule pas complètement dans le moule. Il s’humanise un peu en rencontrant Diane (Paula Beer) mais pas au point de devenir vraiment attachant.
Dans un espace aussi restreint il n’y a pas vraiment la place pour de grand mouvement de caméra, la réalisation s’en ressent. La réalisation est à l’économie, la caméra est à la hauteur des personnages. Le cadre est très contraint, restreint et on a vraiment cette curieuse sensation d’être là, avec eux. Le passage sur la terre ferme est l’occasion d’élargir le cadre, de prendre un peu d’air. Il y a moins de monde à l’écran. On goûte aux paysages
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La tension dramatique est quant à elle entretenue par l’usage du huis clos avec un puis deux sous-marins. Un sous-marin c’est un peu comme un vaisseau spatial, une coque qui protège des humains aventurés dans un milieu hostile. Cette tension est encore accrue par des liens que l’on devine profond entre les personnages même s’ils ne sont qu’esquissés, nous sommes au cinéma pas le temps de s’appesantir et puis on imagine mal des marins, fussent-ils sous-mariniers, bavards s’épanchant en permanence sur leurs états d’âme. Ces marins sont entre autres interprétés par Réda Kateb, Grandchamp, le chef, ou Mathieu Kassovitz en amiral. On trouve aussi dans cette distribution Omar Sy, il faut le voir en officier philosophe.
Le chant du loup est un film à hauteur d’homme. Il colle à son protagoniste principal et parfois aux personnages de Mathieu Kassovitz ou de Réda Kateb. Même si l’enjeu de l’intrigue dépasse ces hommes le film reste intimiste, ces personnages se connaissent et c’est bien là tout le drame. Le chant du loup est un long métrage intimiste et en cela il est bien dans la tradition française ce qui le met à part d’un film comme A la poursuite d’Octobre Rouge.
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Une dernière chose, l’habillage sonore du film est une des réussites de l’entreprise. Lorsque l’on entend pour la première fois le chant du loup on ressent une vague de peur nous submerger. Ce soin n’est pas qu’une coquetterie, le son c’est la vie de Chanteraide, l’analysé, le décrypté… Le personnage vie dans un environnement sonore très riche et qui lui parle. L’habillage sonore est dans ce contexte une façon habile de faire comprendre ce que ressent le héros, ce qu’il a dans la tête mais aussi ce qui lui pèse sur le cœur, fait qu’il est si seul.
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Antonin Baudry a tourné un film prenant, un thriller efficace et un drame intense pour aborder un sujet aussi important que peu sexy, celui de la dissuasion nucléaire. Car la France fait partie de ce club fermé des pays disposants de la technologie et de la capacité à projeter le feu nucléaire et c’est là un impensé de la société française, et pas juste de son cinéma.
R.V.