DEAD YUPPIES
Un grand film du samedi soir voilà ce qu'est Bounty Killer et généreux avec ça. Ce petit film ne manque pas de scènes d’action, de personnages haut en couleur le tout réuni dans un post-apo qui n’est pas très MEDEF friendly.
Année : 2013
Réalisation : Henry Saine Scénario : Jason Dodson, Henry Saine & Colin Ebeling Distribution :
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Synopsis : Dans un monde qui a été ravagé par une guerre sans merci déclenchée par des grandes entreprises cupides le Conseil des 9 paie très cher les Bounty Killers pour traquer et tuer les grands capitalistes responsables de la catastrophe. Les Bounty Killers les plus renommés sont Drifter et Mary Death.
Le cinéma est parfois un art, la plupart du temps une industrie et souvent un artisanat. Bounty Killer est l’œuvre d’Henry Saine qui délivre avec des moyens tout à fait artisanaux une adaptation réjouissante de sa propre bande dessinée (graphic novel comme on dit pour faire plus chic). En bon film post apocalyptique, Bounty Killer parle de nos angoisses. Celles qui animent ce film vengeur sont étroitement liées à l'économie et aux dérives du capitalisme. Les Bounty Killers qui punissent dans le sang les criminels en col blanc sont une réaction épidermique devant le scandale d'Enron, en 2001, pour la bédé et la crise des subprimes, bel exemple de capitalisme prédateur et incontrôlé de 2007, pour le film. Dans le monde des Bounty Killers, des mercenaires et tueurs à gages, les criminels en col en blanc sont proprement, façon de parler, exécutés et ce n'est pas vraiment déplaisant à voir.
Le film s'attache aux pas de la renversante Mary Death, tueuse charismatique, ultra sexy et très populaire, ainsi qu'à ceux de Drifters, Bounty Killer légendaire dont l'étoile pâlit. Ces deux-là sont pris dans une relation amoureuse qui contribue pour beaucoup au dynamisme du film. Un amour vachard façon, je t'aime donc je te quitte. Mais le plus macho des deux n'est pas forcément monsieur. Dans de telles conditions on comprend que si Matthew Marsden campe un personnage de Drifter convaincant, un solitaire porteur d'un lourd secret éperdument amoureux d'une fille pas facile à vivre, c'est l'actrice Christian Pitre qui incarne Mary Death qui emporte le film et fait office de vedette. On pense d'ailleurs au dernier Mad Max et à la façon dont Max/Tom Hardy s'efface derrière le personnage d'Imperator Furiosa/Charlize Theron, ce qui n'est pas un mince exploit si l'on considère que Bounty Killer est antérieur de deux ans au film épique de George Miller. La prestation de Christian Pitre dans ce rôle de femme fatale post-apo, pistolera teigneuse qui n'a pas besoin qu'on vienne la sauver est remarquable.
En bon film d'après la catastrophe, Bounty Killer fait penser au monde de Mad Max de George Miller mais il trace sa propre voie et hormis les gitans (gypsies en V.O.) qui font penser aux hordes sauvages de Mad Max 2, c'est surtout aux Westerns que l'on pense devant le film de Saine. D'abord ces Bounty Killers sont les héritiers transparents des chasseurs de primes du vieil Ouest. Les décors, fait de déserts et de hameaux d'adobe abandonnés nous renvoie à ces films dans lequel faute d'une justice efficace on recourt à des méthodes plus expéditives. De même si les gitans auraient leur place dans le monde de Max Rockatansky ils font aussi penser aux indiens à la présence menaçante qui renvoie à quelque chose de primitifs en opposition viscérale à la civilisation. La scène de l'attaque de la diligence (une caravane tractée par un attelage de motos) est un décalque plan par plan de ce que l'on pourrait voir dans un western classique, les giclés de sang en plus. En cette matière aussi Bounty Killer est généreux, le rouge coule, le rouge gicle et il tache. Le film regorge de passages gores. Au menu : tête qui explose, décapitation, homme coupé en deux avec tripaille à l'air et autres joyeusetés bon enfant.
Le plus surprenant avec Bounty Killer est que c'est vraiment un bon film. Sa direction artistique (costumes, décors...) est très soignée et donnent tout son sel à un film qui s'il n'a manifestement pas le budget d'une grosse production, nous sommes très loin du budget d'un film Marvel ou D.C., déborde d'ambition et se donne les moyens de rendre crédible son univers coloré, brutal, un rien foutraque et follement attachant. Chaque plan témoigne d'une vision personnelle, ce qui empêche le film de n'être qu'une suite d'hommages et de citations. Il y aurait aussi à dire sur cette photographie qui tire sur le jaune pour rendre la chaleur du désert encore plus pesante. Henry Sayne qui tournait ici son second long métrage ne manque d'ailleurs pas d'idée de réalisations on pense notamment au début de l'affrontement final avec son jeu sur la profondeur du champ et l'opposition entre le premier plan et l'arrière plan, mais on ne vous en dit pas plus, pour ne pas vous gâcher le plaisir.
Devant un film pareil on en vient à se demander pourquoi les adaptations de comics de Marvel ou de D.C. peinent tant à rendre justice à l'esthétique visuel des comic books dont ils s'inspirent en dépit des moyens considérables déployés pour donner vie aux super héros de papier.
R.V.