Contre les Super Héros,
tout contre les Super Héros
Bien plus qu’une série choque, bas du front, régressive ou bêtement provoc The Boys est osons-le subtile dans son propos et jubilatoire dans sa forme
The Boys est une série décevante et c’est très bien comme ça. Quand on n’a pas (encore) lu les comics édités en France chez Panini Comics il y a de cela quelques années mais toujours disponibles il est facile de se faire une idée un peu fausse de la série à la seule vue des trailers et autres teasers mis en ligne. On pouvait s’attendre à un divertissement potache, ultra violent et trash ce qui n’est pas fait pour nous déplaire, nous n’avons pas ce genre de pudeur, hors The Boys c’est tout ça et bien plus. Et à la fin de cette première saison ce qui nous a le plus séduit c’est ce petit plus. Il se passe au long des huit épisodes de la première saison tout un tas de trucs moches et plus ou moins gores qui arrachent aux spectateurs des petits rires nerveux ou de francs éclats de rire selon son goût mais on finit malgré tout par s’attacher, même aux antagonistes Supers Héros, tant les personnages sont bien écrits et tant tous sont gentiment ravagés et cassés par une société forcément moins idyllique que ce qu’elle se plait à se dire d’elle-même.
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Créé par Garth Ennis aussi responsable de Preacher, un autre comics violemment débridé mais qui n’en oublie pas pour autant de faire preuve d’un peu de profondeur, The Boys est adapté pour les petits écrans par Seth Rogen et Evan Goldberg, déjà au commande de l’adaptation sérielle de Preacher, il y a une logique dans la folie de ces garçons. On ne s’étendra pas sur la comparaison entre les deux séries si ce n’est pour dire que The Boys est moins fouillis et plus ramassée que Preacher qui a une petite tendance à s’éparpiller bien aidée en cela par une histoire chaotique. Reste à voir ce que The Boys deviendra dans le temps.
Il est plus que temps d’entrer dans le vif du sujet, de quoi parle la première saison de The Boys ? Les personnages ne manquent pas mais deux servent de clé pour pénétrer un monde qui ressemble au notre à ce menu détail que les Super Héros existent et qu’ils génèrent autour d’eux un gigantesque star system dont profite à plein la société Vought International. D’abord il y a Hugh « Hughie » Campbell (Jack Quaid), modeste vendeur dans un magasin d’électronique, qui voit sa vie basculée quand le Super Héros A Train (sorte de Flash joué par Jessie T. Usher) pulvérise sa petite amie en pleine course. Cette tragédie remue le jeune homme qui est approché par Billy Butcher (Karl Urban), un Anglais pas commode qui entraîne le jeune homme dans la guerre privée qu’il mène aux Supers Héros. Ensuite il y a Annie January (Erin Moriarty) qui est la jeune Super Héroïne Starlight qui est recrutée sur casting pour intégrer la plus connues des équipes de Super Héros, les Sept. Pour la jeune femme de Des Moines pleine de bonne volonté le déménagement à New York et l’intégration à sa nouvelle vie d’employer de Vought la feront très vite déchanter, entre l’encadrement de fer imposé par la compagnie qui lui dit tout ce qu’elle doit faire depuis le planning de ses patrouilles jusqu’à ce qu’elle doit mettre comme costume et des collègues au bout du rouleau et au comportement parfois totalement déplacé sa vie d’héroïne tourne au saumâtre. Ces deux personnages sont chacun à leur façon des déçus d’un système qui a érigé les Super Héros en figures médiatiques intouchables. Hughie comme Annie sont tous les deux témoins des dysfonctionnements d’un système dans lequel les Super Héros sont privés de Supers Vilains mais abandonnés entre les pattes d’une entreprise peu suspecte d’humanitarisme exacerbé.
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Ce qui passé les premiers épisodes intrigue c’est l’absence de ces figures de méchants qui sont le pendant négatif aux figures du bien que sont les Supers Héros. Queen Maeve (une Wonder Woman celtique, Dominique McElligott), Homelander (le Superman à l’enfance traumatisante, Antony Starr), The Deep (un Aquaman exhibitionniste, Chace Crawford) et tous les autres n’ont pas de Supers Vilains contre qui se battre. Hors le Super Vilain n’est pas juste un antagoniste pour le Super Héros, c’est aussi un rappel de ce qu’il ne faut pas faire, le Vilain c’est par définition celui qui fait un mauvaise usage de ses pouvoirs, de son argent, de son intelligence ou de ses gadgets alors que le Héros lui s’en sert pour faire le bien. Ce sont les méchants qui en creux aident les gentils à se définir. Le Super Vilain c’est aussi celui qui sera de taille à défier le Héros. Dans le premier épisode Queen Maeve et Homelander arrête les braqueurs d’un fourgons blindés avec une facilité qui laisse deviner ce que cela peut avoir d’ennuyeux pour eux, à la longue d’affronter des criminels qui ne sont pas taillés à leur mesure. Cette séquence permet aussi de pauser ce qui s’épare ces deux personnages à commencer par le goût d’Homelander pour la justice expéditive que ne partage pas sa collègue.
L’autre élément qui distingue The Boys de bien des univers super héroïques c’est la présence de Vought International, une compagnie qui non seulement salarie les Super Héros mais leur fournis aussi une identité pour plaire à des segments de la population parce que le markéting le commande et qu’il y a des produits dérivés à vendre. Ce star system entretenu autour des membres des Sept en particuliers et des héros Vought en général à coup de films, d’interventions médiatiques scriptés sur les réseaux sociaux ou dans des talk-shows et de patrouilles filmées pour faire le buzz. Tout cela fait furieusement penser au show business dans ce qu’il a de moins reluisant. Ces héros sont des célébrités comme les autres (chanteurs et chanteuses, acteurs et actrices, vedettes de la téléréalité au pire) qui doivent faire attention à leur image, font des selfies avec leurs fans, signent des autographes et des dédicaces, ou sont suivis par une attachée de presse. A Train vit une relation suivie mais secrète avec Popclaw (Brittany Allen) parce que Vought le préfère célibataire et que cette dernière est un rien passé de mode, son destin pathétique est celui de ces stars qui n’ont pas su durer, sa fin est un beau moment de tragédie pop.
Les Supes font pitié car d’épisode en épisode on comprend que pour leur employeur ils sont plus des produits à commercialiser que des personnes à part entière. L’ami des animaux marins, The Deep est ainsi utilisé, à son corps défendant, pour vendre un parc aquatique qui maltraite les dauphins. De même Stella même si elle refuse d’apparaître dans l’émission de télé réalité des Sept, se retrouve dans le programme malgré tout grâce à un montage d’images. Et il y a Mesmer, le Super Héros enfant star qui eut sa série et qui largué comme un mal propre vivote dans des conventions, joué par Haley Joel Osment (Sixième sens) difficile de ne pas songer à ces enfants stars sacrifiés sur l’autel de la célébrité et de la production audiovisuelle. Cette dose d’empathie distiller dans cette première saison, si elle n’empêche pas d’éprouver parfois le plus vif effroi devant ce dont certains Super Héros sont capables, ajoute moins de la complexité aux personnages que ce qu’il faut de nuances pour les faire exister. D’autant que la croisade de Billy Butcher n’est pas exempte de victimes collatérales.
The Boys est une série violente, très violente, et drôle mais qui n’est pas bourine et qui sait faire preuve de subtilité et aussi de tendresse au milieu de toute cette crasse, ce sang plus ou moins coagulé et de ces scènes outrées. Il y a de la finesse dans cette scène où l’on comprend d’où vient la jalousie de Homelander pour le bébé que vient d’avoir sa chef Madelyn Stillwell (Elisabeth Shue, parfaite en plus froid des monstres froids) et aussi pourquoi ce Super Héros qui est vendu au public comme un personnage positif semble avoir autant de mal à s’attacher à une humanité qui en gros l’indiffère. Homelander est osons le diagnostic sauvage un parfait sociopathe ce qui n’est pas étonnant quand on découvre quelle a été son enfance. Quant à la tendresse il y en a aussi même là où on l’attend le moins. Frenchy (Tomer Capon) celui qui a l’idée de mettre une bombe dans le cul de Translucent (Alex Hassell), un Supe aussi invisible qu’hyper résistant, il se fait tout doux quand il rencontre The Female (Karen Fukuhara), la jeune femme muette au passé lourd en laquelle il se reconnait tant.
Ce que l’on découvre dans cette première saison ce n’est pas une bande de justiciers qui recadrent les Supers Héros quand ils enfreignent la loi, ça c’est la justification que se donne Billy Butcher pour sa vendetta personnelle, mais deux bandes d’individus fracassés, plus ou moins mentalement dérangés qui se battent entre eux alors qu’ils ont en fait un ennemi commun, Vought. De là à penser qu’il y aurait dans The Boys une critique du capitalisme contemporain il n’y a qu’un pas que nous nous empressons de franchir. Ce n’est pas une charge frontale, plutôt un assaut sur le flan mais ça marche, et c’est très bien comme ça, les tracts politiques ne sont pas des œuvres très intéressantes. The Boys est sous ses atours de distraction potache ultra-violente une série riche qui promet, croisons les doigts, du bon pour l’avenir. Après avoir vu ces huit épisodes on espère qu’il y aura une deuxième saison et on en attend fébrile le meilleur.
R.V.