MISSIONS
CHRONIQUES MARTIENNES
Une série de science-fiction française ce n’est pas si fréquent (attention euphémisme) et celle-ci est même bonne
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Missions c’est l’histoire, dans un avenir très proche, des premiers pas des Terriens sur le sol martien. D’emblée les choses tournent à l’aigre puisque l’équipage européen de l’Ulysse apprend qu’ils ne seront pas les premiers sur Mars et qu’en plus leurs devanciers états-uniens leurs ont adressé un message d’alerte. La suite gagne d’abord en étrangeté inquiétante avant de prendre un tour des plus curieux.
Produite pour OCS City, l’une des chaînes d’Orange, cette série est un pari pour un groupe qui jusque-là c’était plutôt illustré dans la comédie (France Kbek, Irresponsable, La Lazy Company…). L’arrivée sur un territoire nouveau est une prise de risque qui mérite d’être saluée d’autant que l’essai est transformé et qu’il serait dommage que cette saison soit un coup pour rien. La science-fiction n’a pas de raison d’être privée d’écrans, petits ou grands.
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Créée par Julien Lacombe (remarqué en 2011 avec le thriller fantastique Derrière les murs avec Laetitia Casta), qui coscénarise la série avec Ami Cohen et en réalise les épisodes Missions possède un ton singulier qui transcende ses références. Avec sa distribution multinationale qui mélange acteurs européens et des dialogues en français qui laissent parfois de la place pour de l’anglais ou du russe il est évident qu’OCS cherche une reconnaissance internationale.
Reprenant la forme du feuilleton avec une histoire qui se développe sur toute la saison, Missions propose 10 épisodes d’une vingtaine de minutes qui grâce à une intrigue resserrée parviennent à garder un rythme prenant. La durée des épisodes y est sans doute pour beaucoup, pas le temps de se perde dans des intrigues secondaires qui peuvent être lassantes à la longue. Cette concision n’empêche pas pour autant de creuser certains personnages, notamment celui de l’héroïne Jeanne Renoir qui se taille la part du lion, d’autres, les seconds couteaux ne peuvent pas recevoir le même traitement ce qui peut les rendre plus caricaturaux. L’ingénieur de bord, Yann Bellocq (Jean-Toussaint Bernard, déjà vu dans France Kebek), qui est parfaitement monolithique et tête à claque même si dans le fond sa principale motivation, rentrer sur Terre, est à la fois compréhensible et motivée par une peur qui n’est pas complétement irrationnel tant ce que l’équipe découvre sur Mars est troublant.
L’ambiance réaliste et bien dans notre époque, les deux équipes concurrentes ont été montées par deux riches entrepreneurs qui ont fait fortune dans la net economy avec le parrainage de l’ESA et de la NASA, accroit l’agréable sensation que l’humanité sur Mars c’est pour demain. Le début est clairement un clin d’œil à Alien même si l’ambiance à bord est moins prolétaire et d’avantage CSP +, car l’Ulysses n’est pas un vaisseau cargo sombre mais un vaisseau d’exploration sans fioriture, certes, mais clair et moins menaçant. Car Missions joue avec ses références et déjoue les attentes du spectateurs, l’ordinateur de bord est un enfant du HAL 9 000 de 2001 Odyssée de l’espace mais ici il reste bien veillant.
Au-delà des qualités du scénario et d’un jeu d’acteurs qui sait ne pas en faire trop, ce qui frappe à la vision de ces dix épisodes c’est qu’en dépit d’un budget qu’on devine riquiqui et qui justifie que l’essentiel de l’histoire se passe en huis-clos dans le vaisseau qui a amené ces explorateurs sur la Planète rouge on y croit. Et quand enfin on suit l’équipage dans leur première sortie on y croit encore plus. La minéralité de Mars, la teinte rouge et orangée de la petite sœur de la Terre est merveilleusement rendue. Ces extérieurs ont été tournés au Maroc et rendent vraiment bien. Ces extérieurs offrent un contraste saisissant entre ce que l’on devine être la promiscuité du vaisseau et le grand vide qui entoure ces êtres humains si loin de chez eux.
R.V.