Beau, Brutal & Mélancolique
Les fiers hérauts du folk metal irlandais reviennent en 2018 avec Nine Years of Blood, un album fort aussi beau que sombre sur une page tragique de l’histoire irlandaise.
Nous n'allons pas vous mentir nous aimons beaucoup Cruachan un groupe irlandais dont nous avons critiqué le précédent album (ici) et pour leur retour en 2018 ils font encore plus fort !
Nine Years of Blood est un album important dans la carrière du groupe et pas uniquement parce qu’il clôture leur trilogie du sang ouverte en 2011 avec le très noire et violent Blood on The Black Robe et poursuivit avec Blood for The Blood God. D’abord avec ce huitième album le groupe fête en beauté ces 25 ans de carrière avec son projet le plus ambitieux à ce jour. Nine Years of Blood raconte la Guerre de neuf ans qui opposa le royaume d’Angleterre de la reine Elisabeth Ière à une coalition de clans irlandais menés par Hugh O’Neill. Le plus long conflit mené par les Anglais sous le règne de la Reine vierge se solda par la défaite des clans irlandais et la fin du système de pouvoir gaélique et elle poussa à l’exile nombre de seigneurs insulaires qui trouvèrent asile en France et en Espagne.
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La Guerre de neuf ans événement traumatique dont les effets se font encore sentir aujourd’hui dans la situation en Irlande du Nord est donc la toile de fond pour cet album concept et constitue un sujet idéal pour un groupe dont la musique emprunte au black metal et à des formes moins extrêmes de metal tout autant qu’à la musique irlandaise. Chaque chanson est une vignette de cette guerre qui renvoie directement à des événements historiques comme avec la chanson The Battle of Yellow Ford. Elles peuvent aussi être un portrait comme avec Hugh O’Neill – Ealr of Tyrone qui expose le héros de ce drame quand elles ne sont pas de pures allégories comme avec cette Queen of War qui renvoie à la Morrigan, la déesse de la guerre du panthéon des celtes d’Irlande. Ce titre est l’un des tours de force de l’album un monument de tristesse érigé à ceux qui meurt à la guerre.
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En optant pour une approche chronologique le groupe nous raconte une histoire qui commence dans l’exaltation avant de tourner à l’aigre pour finir dans la nostalgie avec Back Home in Derry (une reprise d’une chanson interprété par Christy Moore mais co-écrite par Bobby Sands, le martyr de l’I.R.A.). Cette évolution s’exprime pleinement dans la musique du groupe on passe du refrain entraînant et plein de promesses en un avenir radieux de l’hymne à Hugh O’Neill déjà évoqué aux désespoir d’un morceau comme The Siege of Kinsale, le dernier haut fait de la guerre.
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Le groupe ouvre sa narration et la ponctue avec des instrumentaux qui sont autant de pièces d’une grande beauté. Le metal dans la musique de Cruachan sert à retranscrire des sentiments très forts l’exaltation ou la colère mais aussi la brutalité des combats. Ce que Cruachan prend à la musique traditionnelle de la verte Erin c’est une profondeur et une mélancolie, voire qui sait, un rien d’humanité au milieu du chaos et de la cavalcade. Certaines des mélodies les plus inoubliables de l’album viennent de ces passages folk comme ce fiddle sur Cath na Brioscai accompagné par un violoncelle pour donner plus d’épaisseur au morceau. L’ensemble est cohérent et le mariage de l’électrique et l’acoustique passe bien. Tout autant que le mélange de sons agressifs, qui ont où se déchainer entre champs hurler et le jeu de batterie du percussionniste argentin Mauro Frison, et de mélodies bouleversantes (oui rien que ça !) qui vous accompagnent encore quand le disque est fini.
Réussite totale Nine Years of Blood montre une fois encore que Keith Fay et son groupe ont acquis au fil des ans un savoir faire certain pour donner au metal cette patine immémorial qu’a la folk music tout en faisant entrer cette dernière dans notre modernité car loin d’être une pièce de musée cette musique est notre contemporaine. Les Irlandais ont réussi à faire de la mandoline et du bouzouki des instruments traditionnels bien de chez eux, ils seraient étonnant qu’ils ne parviennent pas à faire de même avec la guitare électrique. Les Irlandais ont adopté valses et mazurkas il semble logique qu’ils fassent de même avec le metal.
R.V.