Une autre époque
L’adage prétend que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Tanith ne cherche pas à prouver le contraire avec ce premier album
Tanith est, ne tergiversons pas, un groupe délicieusement néo-classique, le truc de ces britannico‑états‑uniens qui font le grand écart entre New-York et Newcastle est de jouer un heavv metal à l’ancienne dans le respect des traditions et des grands anciens. In Another Time leur premier album parut le 24 mai 2019 sur Metal Blade le mythique label yankee (celui sur lequel est paru I’m Alive de Cirith Ungol ou bien encore le merveilleux premier et unique album de Mount Salem) et il ne décevra pas les amateurs de ces groupes qui en compagnie ou à la suite de Led Zeppelin, Deep Purple ou Black Sabbath s’essayèrent à un rock lourd, dynamique et viscéralement amoureux de la guitare électrique. Une musique épique et belle baignée de références piochant dans la science-fiction et l’heroic fantasy pour emmener son auditeur ailleurs dans des mondes oniriques où les cauchemars ne sont jamais loin des plus paisibles des rêves.
Dans le cas d’In Another Time le voyage vers d’autres mondes ce double d’une remontée dans le temps et les mirifiques années 70, décennie de toutes les nostalgies.
Depuis son nom emprunté au film Les Vierges de Satan, sa pochette et jusqu’au moindre tintement de cymbales la musique de Tanith dit tout l’amour du quatuor pour Blue Öyster Cult, Thin Lizzy et les autres fiers hérauts du heavy metal originel et du hard rock triomphant, en ces années où les genres n’étaient pas encore figés et les étiquettes fluctuantes. Oui il s’agit bien là de néo-classicisme avec cette volonté de redonner jeunesse et vitalité à une forme ancienne sans pour autant se vautrer dans un pur passéisme. Tanith dit que le passé musical est toujours présent et pertinent.
La formation a vu le jour en 2017 et se singularise par son chant à deux voix. Celle masculine du guitariste vétéran Russ Tippins (Satan/Blind Fury et quelques autres depuis ses débuts à la fin des années 70) et celle féminine de la bassiste Cindy Maynard. Charles Newton (guitare) et Keith Robinson (batterie) viennent compléter l’effectif. Ce choix de deux vocalistes fait beaucoup du charme de Tanith mais ne sauverait pas le groupe du désastre s’il n’y avait de bonnes chansons.
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Or In Another Time ne manque pas de l’essentiel, des bonnes chansons et même l’instrumental « Under The Stars », version acoustique d’un morceau présent sur ce même album, qui a tout du bouche-trou mis là pour étoffer ce premier effort est un ravissement avec ces percussions hypnotiques et ses faux-airs d’extrait de la bande originale d’un film de fantasy qu’on ne verra jamais ailleurs que dans sa tête. En entendant ce « Under The Stars » c’est à Conan le Barbare et à Schwarzenegger courant dans la nature que je songe. Le titre est réinventé et cette petite voix qui raillait la basse manœuvre de remplissage se fait penaude et admet, à mi-voix, qu’elle avait tort. Neuf titres et pas une once de gras. Neuf titres et autant d’occasion de revisiter la double attaque des guitares (une à gauche et une à droite, une pour chaque oreille) cette formule magique qui reste toujours aussi valide. Ces deux guitares assurent qu’il se passe toujours quelque chose que les deux guitaristes jouent à l’unisson ou qu’ils se complètent. Cela laisse de la place au milieu pour la rythmique et ces vocaux dont on a déjà dit qu’ils faisaient beaucoup pour la séduction de Tanith.
Pas vraiment agressif In Another Time est hors course pour le prix de l’album le plus brutal et violent de 2019. Tanith ne joue pas de la musique comme d’autres donnent des coups de pied dans les parties. Ce qui emporte tout sur cet album c’est le souci mélodique du quatuor, un goût pour l’esthétique qui laissera sur leur faim ceux qui ne recherchent que noirceur et violence sonique. Un parti pris qui n’empêche pas le groupe de partir dans de folles chevauchées (comme pour la version électrique d’ « Under The Stars » qui n’est pas aussi bucolique que son pendant débranché).
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In Another Time de Tanith n’est pas un album prétentieux, il n’apporte aucune nouveauté renversante diront certains esprits chagrins et ils auront raison, l’art de ce groupe est ailleurs. La musique de Tanith est un plaisir simple celui qu’on éprouve à l’écoute de bonnes chansons qui ont instantanément la saveur de standards que nous avons l’impression d’avoir toujours connus et aimés. Tanith ne révolutionne pas la musique mais que reste-il à révolutionner dans la musique occidentale qui ne l'a pas déjà été ?
Pour ceux qui ont aimé Lucifer II de Lucifer qu’ils se ruent sur In Another Time il y a peu de chances qu’ils soient déçus.
R.V.
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