Les saisons
Waylander revient en 2019 avec Ériú’s Wheel, un classique instantané, les Quatre Saisons du folk metal irlandais
C’est un album paru au printemps 2019 mais c’est à l’automne, quelques semaines après Samhain que j’écris cette chronique et jusqu’à présent, sur plus de six mois, ce disque a été un bon compagnon qui n’a jamais quitté trop longtemps ma platine.
Waylander, le groupe qui nous intéresse, est avec Cruachan (dont les louanges ont été chantées ici et là aussi) l’une des chevilles ouvrières du folk/pagan metal irlandais depuis le milieu des années 90, époque où de jeunes Irlandais influencés par les Britanniques de Skyclad ont eu l’idée de fusionner metal et folk irlandais, de faire se percuter Planxty et le black metal. A ces pères fondateurs on ajoutera les petits jeunes de Celtachor, un groupe fondé en 2007 par des Dublinois qui ont depuis été rejoints par une batteuse française et qui ont sorti le très bon Fiannaíocht (chez Trollzorn) en 2018.
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Ériú’s Wheel est le cinquième album studio des Nord‑Irlandais, le groupe s’est formé en 1993 à Armagh, non loin de l’antique Eamhain Mhacha capitale des Ulates dans la mythologie irlandaise. C’est également leur troisième pour le label indé français Listenable Records après les bons voire excellents Honour Amongst Chaos (2008) et Kindred Spirits (2012). C’est enfin le premier concept album du groupe, il tourne autour du calendrier des celtes d’Irlande et de l’éternel retour des saisons. Rythmé par les quatre grandes fêtes du paganisme de la verte Érin, Samhain (1er novembre), Imbolc (1er février), Beltine (1er mai) et Lùghnassadh (1er août) l’album contient en tout neuf chansons et dure presque quarante-sept minutes. Ces précisions sont certes triviales mais indiquent que le groupe a livré un album resserré qui ne s’éparpille pas et un condensé de ce que Waylander fait de mieux. Cet effort de concision est louable et abouti à neuf titres qui réalisent la synthèse entre l’électricité, la hargne, la fureur du metal et l’acoustique, la douceur, la beauté simple et le soucie mélodique de la folk
Waylander se paie même le luxe exquis de quelques refrains fédérateurs à reprendre en chœur, ce qui n’est pas une nouveauté mais prend dans le contexte d’Ériú’s Wheel un sens particulier. Ériú’s Wheel n’est pas qu’une ode aux rites païens de jadis c’est aussi et surtout un hommage au monde agricol de naguère, aux communautés rurales et à une forme de collectivité, les nécessités de l’entraide. Les chœurs sur « Autumnal Blaze », le titre qui conclue en beauté l’album, ce sont ceux des paysans qui fêtent la fin des travaux des champs, les moissons qu’y ont été rentrées et la récolte des pommes qu’on achève. Ériú’s Wheel ce sont les mois sombres, « As Samhain Comes », « Shortest Day, Longest Night » et la joie de retrouver le soleil sans qui rien ne pousse « As The Sun Stands Still » qui culmine avec la fête de Lug le dieu solaire, « To Feast At Lùghnassadh ». Galette exaltante d’un bout à l’autre, Waylander manie avec dextérité le déluge sonore (le jeu de double grosse caisse, les guitares saturées, le champs roque…) et l’accalmie de passages plus atmosphériques. C’est d’ailleurs une guitare acoustique et le crépitement d’un feu dans la cheminée qui accueille auditrices et auditeurs s’ouvre. Une guitare rejointe par une voix chantée et d’autres murmurées et la flute irlandaise qui apporte une touche aérienne au son lourd du groupe. « Betwixt Times » le titre qui ouvre Ériú’s Wheel c’est une accalmie qui ne dure pas mais qui revient de titre en titre comme une respiration qui aère les compositions.
Vous n’êtes pas obligés de me croire mais Ériú’s Wheel est le meilleur Waylander en date une réussite qui ne laisse pas de place pour le remplissage. Heureux ceux qui découvriront ce groupe avec cet album, les autres savent déjà
R.V.