legion
lA NEF DES FOUS
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Ce que les X-Mens au cinéma ne seront sans doute jamais, surtout maintenant que pointe le spectre Disney, une série télé l’est.
Legion est une série de superhéros, ou de mutants plus exactement, qui ne ressemble pas à ce que l'on voit au cinéma. Créée par Noah Hawley (la série Fargo) pour la chaîne FX (une petite sœur de la Fox qui naguère nous apporta Sons of Anarchy) la série Legion est un des programmes les plus ambitieux actuellement disponible dans le monde de plus en plus concurrentiel des séries. Et par ambition on ne parle pas d’une débauche d’effets spéciaux où de scènes chocs faîtes pour buzzer sur les réseaux sociaux, non on parle plutôt en terme de narration et de façon de filmer une série. Cette ambition qualitative n’empêche pas la débauche de violences, de sexes ou même de sentiments plus ou moins contrariés. Legion est une série d’une grande richesse qui fait du bien à regarder.
Le héros de Legion, celui qui donne son titre au show c'est David Haller (Dan Stevens), le fils mutant du professeur Xavier. Legion c’est lui et on assiste à sa transformation progressive. Le problème de David c'est que ce mutant avec de très grand pouvoir psychique est fou, c'est du moins ce que l'on croit au début et nous nous arrêterons là tant les faux semblants et la distinction entre le vrai et le faux sont au cœur de l'intrigue de cette série. La fragilité des apparences aussi. Mais on n’en dira pas plus pour ne pas trop en divulguer.
Ce que l'on peut révéler en revanche c'est que David et les autres mutants qui l'entourent ne sont pas du genre à sauver le monde en combinaison moulante mais plutôt à se débattre avec des pouvoirs pas toujours faciles à maîtriser (convenons que ce thème-là apparaît tout de même dans nombre de films consacrés aux X-Men). On ne naît pas super héros on le devient et ce n’est franchement pas simple.
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Série originale dans son intrigue, Legion l'est aussi dans son aspect. La direction artistique (décors et costumes), la photographie (lumières et philtres) et le traitement des sons ou de la musique (dans le troisième épisode de la saison 2 on peut entendre ce qui ressemble, mais nous ne sommes pas experts, à du Maurice Chevalier ?!?) participe de la désorientation du spectateur reflet de celle dans laquelle se débatte les personnages. Ils sont même encore plus perdus que nous. Sans que cela soit mécanique ou forcé, la série parvient à éviter de se répéter, chaque épisode est une vraie surprise avec scène de danse à la Bollywood sur une chanson de Gainsbourg (Pauvre Lola), scène narrée grâce à des dessins à la craie sur un tableau, ou encore ce clin d'œil aux jeux d'aventure textuelle sur ordinateur du temps jadis... Legion est une série bizarre qui bien qu’elle ne ménage pas le spectateur demeure captivante car ici tout est beau, esthétiquement plaisant et nous invite ) pénétrer dans un monde à profondément déroutant car familier.
Les décors participent à la désorientation générale. Si la série se passe aujourd’hui les décors intérieurs font souvent penser à ceux d’une science-fiction d’autrefois. Il y a une patte rétro futuriste, comme si notre présent était vu à travers ce que les années 60 ou 70 imaginait du futur, cette époque où l’on rêvait de l’an 2000.
La direction artistique ne sert pas seulement l'étrangeté de la série mais elle participe aussi de son charme. On pense à une série comme Chapeau Melon pour ce mélange d’extravagance et de séduction. Tout ici baigne dans une étrangeté qui soigne une sensation de malaise continue, l’apparition de ces robots féminins à moustache énigmatiques et apparemment omniscients confortent cette sensation dans la deuxième saison. Au moment où l’on croit avoir compris où la série nous emmène Legion nous emmène ailleurs.
Décors et costumes donnent une impression de voir s’animer les pages d’un comic book, une impression renforcée par l’usage de chapitre, l’incrustation d’inserts et divers narrateurs qui cassent une histoire qui autrement serait aussi linéaire que le tout venant de la production Marvel. Cette narration inventive si l’on s’y prend est un des plaisirs de la série.
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Legion est une série fascinante qui ne ressemble à pas grand-chose de visibles actuellement sur le petit écran. On peut bien sûr penser à une série comme Lost à ceci près qu’ici les scénaristes savent ne pas aller trop loin et se gardent de dissiper un mystère avec un autre mystère. Legion pratique l’art du dérapage contrôlé et c’est jouissif à voir. Et il y a tant à dire sur ses personnages, même les personnages secondaires sont intéressants, quant aux relations plus ou moins tordues qui unissent David à l’objet de son affection, la blonde Syd et à la déroutante Lenny elles ont une dynamique qui rompt avec les canons du triangle sentimental, plus qu’amoureux.
Legion est un délire psychédélique où le réel est très fragile. C'est aussi une série atypique, hyper stylée et fascinante qui vaut le détour et même qu’on s’y arrête.
R.V.