La musique jamaïcaine n’est Pas celle que vous croyez
Tout le monde à un avis sur le reggae, on aime beaucoup Bob Marley ou l’on déteste les rastas fumeurs de joint. La musique jamaïcaine c’est une image rebelle et mystique, un truc exotique, une musique qui sent bon le sable chaud et les cocotiers.
Tout cela est vrai et pourtant comme le proverbial arbre qui cache la forêt la musique jamaïcaine, et singulièrement le reggae, ne saurait se limiter au seul rastafarisme et à Bob Marley. |
1% de Rastas
Si le rastafarisme est, comme le reggae, une création jamaïcaine il s’agit néanmoins d’un mouvement marginal et longtemps déconsidéré dans son île de naissance. Même après la fin de la période colonial la création de communautés rurales rastas héritières du Pinnacle de Percival Howell se heurtèrent à la répression policière du nouvel état, ce qui conduisit les rastas en ville. Pour beaucoup de Jamaïcains noirs cet en sauvagement rasta était une cause d’effroi. Longtemps le rastafarisme est tenu en lisière de la société jamaïcaine et ça se retrouve en musique. Dans les années 50 la musique des dancehalls et des premiers sound systems est une musique de danse d’abord importée des Etats-Unis, du jump blues dynamique et syncopé, puis produite sur place pour le compte de Duke Reid, de Coxsone Dodd et des autres propriétaires des sonos monstres qui animent la nuit jamaïcaine. Il n’y a pas beaucoup de place là-dedanspour la parole de Jah et le retour en Afrique. Pourtant sur un titre comme Oh Carolina des Folkes Brothers, repris des années plus tard par un Shaggy qui en fera un tube, on entend les tambours nyabinghi (et donc rasatafarien) de Count Ossie. Produit par Prince Buster ce titre enregistré en 1960 et quelques autres annonces la place croissante que le rastafarisme prendra dans la production musicale de l’île.
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Pourtant il ne faut pas se méprendre si les Jamaïcains sont très croyants ils sont avant tout protestants, les rastas ne représenteraient aujourd’hui qu’environ 1% de la population insulaire. Aussi les thèmes religieux dans la musique jamaïcaine n’ont pas besoin du rastafarisme pour s’exprimer.
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La chanson Rivers of Babylon créée par les Melodians ne doit pas son succès à son seul côté rastafarien (la dénonciation de Babylone, le thème de l'exile) mais parce que tout le monde en Jamaïque connait l’histoire de la déportation des Hébreux en Mésopotamie et que le refrain de la chanson site texto le Psaume 137 versets 1 à 4. Le rastafarisme n'est pas une branche du christianisme mais il partage avec le protestantisme la même source judaïque et la lecture assidu de l'Ancien Testament. C'est cette culture commune qui permet aux artistes rastas de parler à tous les jamaïcains.
L’arBre BoB Marley
qui cache la forêt
C’est un fait, Bob Marley est celui qui a fait connaître le Reggae hors de Jamaïque devenant dans beaucoup de pays l'image même de cette musique ce qui n'est pas sans provoqué quelques malentendus.
La musique jamaïcaine est connue au Royaume-Uni depuis le début des années 60. La première vague ska, aussi appelé bluebeat outre-Manche à cause du nom du label Blue Beat Records, connu son premier tube en 1964 avec le titre My Bop Lollipop chantée par Millie Small. La chanson enregistrée en Angleterre sous l’impulsion de Chris Blackwell un Jamaïcain blanc, patron d’Island Records, dont le rôle sera crucial pour la carrière internationale de Marley est un succès non seulement auprès du public afro-caribéen mais aussi auprès d’une plus large audience blanche. Dès lors au Royaume-Uni en raison de l’émigration caribéenne dominée par les Jamaïcains et aussi grâce à l’intérêt porté par certains jeunes prolos blancs (mods puis skinheads) à cette musique noire il y aura un marché pour la musique jamaïcaine qui suivra ses différentes mutations depuis le ska jusqu’au reggae en passant par le rocksteady.
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Pourtant en dehors de cette percée métropolitaine, et de l'influence que celle-ci a sur des artistes britanniques sans ascendances jamaïcaines, Ob-La-Di-Ob-La-Da est un ska signé par les Beatles avec un texte un rien problématique, l’Europe continentale et les Etats-Unis restaient réfractaires à la syncope en provenance de la Jamaïque. Pour changer la donne il faudra attendre l’explosion de Bob Marley and the Wailers.
« Quel est le plus grand reggaeman du monde ? »
« BoB Marley, hélas. »
A la question « Quel est le plus grand poète français ? » André Gide répondit : « Victor Hugo, hélas. ». A la question « Quel est le plus grand reggaeman du monde ? » on pourrait répondre : « Bob Marley, hélas. »
Il fallut dix ans de carrière à Bob Marley pour connaître le succès international. Une décennie d’aléas, de haut et de bas. La signature sur la maison de disque Island du Jamaïcain blanc Chris Blackwell qui aura l’idée de vendre Marley comme le frontman d’un groupe de rock pour séduire un large public, comprendre un public blanc européen ou américain mais aussi des Japonais. Blackwell a donc une idée simple : les jeunes amateurs de rock veulent une musique rebelle, vendons-leur une musique rebelle. |
Ce coup n’aurait pas marché si Bob Marley à côté de chansons sentimentales ou sensuelles (Bend Down Low) n’avait pas été capable d’écrire des chansons engagées (conscious et roots comme on dit en Jamaïque). Le reggae de Marley c’est la rencontre du gauchisme, du tiers-mondisme et d’un mysticisme non occidentalo-centré, trois éléments constitutifs des années 70. Le petit miracle sera que ces éléments qui séduisirent les Occidentaux en mal d’exotisme militant firent aussi de lui le porte-parole de ce que l’on appelait alors le tiers-monde fait de Bob Marley une star mondiale sans pareil.
Bunny Wailer et Peter Tosh finirent par quitter le groupe. Ils furent remplacés par les I-Trees (Rita Marley, Marcia Griffith et Judy Mowatt).
Bunny Wailer et Peter Tosh finirent par quitter le groupe. Ils furent remplacés par les I-Trees (Rita Marley, Marcia Griffith et Judy Mowatt).
Et pourtant la Jamaïque a bien plus à offrir que la seule icone Marley. Pire encore la musique de Bob Marley avait fini par diverger grandement de ce qui se faisait sur son île au point qu'à sa mort il était, musicalement du moins, complètement déphasé par rapport à ce que jouaient les sound systems. Bob Marley créa chez Island un genre de Reggae, un Reggae international qui n'intéressait pas ses compatriotes alors qu'à l'étranger il imposait une image erronée faite de rastafarisme et de rébellion qui était une caricature.
C'est de cette caricature dont parle The Clash dans la chanson White Man In Hammersmith Palais.
Pour une histoire vraiment complète du reggae nous ne pouvons que trop conseiller la lecture de la somme Bass Culture - Quand le Reggae était roi de Lloyd Bradley. Edité par Allia se livre incontournable est aisément disponible et répondra à toutes les questions que vous avez sur la musique jamaïcaine et même à celle que vous ne vous êtes pas encore posées.
La sélection de la Malle aux Merveilles
Le succès de Bob Marley (qui est mérité et n’est pas volé) a ancré dans l’esprit du grand public l’idée que le reggae est synonyme de rébellion d’adolescents (attardés), de mysticisme afro-centré et de musique de fumeurs de joints. Cette caricature est d’autant plus efficace qu’elle n’est pas complétement fausse pourtant la musique jamaïcaine est beaucoup plus riche et variée.
La sélection de la Malle aux Merveilles fera donc la part belle à des artistes qui ne sont pas Bob Marley. Il y aura même des chanteurs et musiciens qui ne sont même pas rastas ! Parce qu’il y a tant à découvrir dans la production jamaïcaine.
La sélection de la Malle aux Merveilles fera donc la part belle à des artistes qui ne sont pas Bob Marley. Il y aura même des chanteurs et musiciens qui ne sont même pas rastas ! Parce qu’il y a tant à découvrir dans la production jamaïcaine.
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