Ce n’est pas la taille
qui compte
Sur une histoire de George Lucas, Ron Howard (le roux Ritchie de Happy Days) réalise un film divertissant destiné à un public enfantin dont le succès mitigé porta un coup sévère à la fantasy au cinéma.
Réalisation : Ron Howard
Scénario : Bob Dolman sur une histoire de George Lucas Distribution :
Année : 1988 |
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Synopsis : La maléfique reine Bavmaorda ne recule devant rien pour dominer le monde y compris le massacre de bébés parmi lesquels se trouvent l’élue qui causera sa perte. Loin de là Willow Ufgood mène une vie, trop, tranquille jusqu’à ce que la découverte d’un bébé dans un panier ne le plonge dans une aventure qui le dépasse.
La genèse de Willow est compliquée, George Lucas conçoit l’histoire dans ses grandes lignes dès 1972 mais c’est sur la saga Star Wars qu’il commence à travailler. Le succès de son space opera accapara son temps et mit Willow en pause. Pour autant c’est lors du tournage du Retour du Jedi que Lucas proposa à l’acteur nain Warwick Davis, qui jouait un Ewok, d’incarner le personnage de Willow Ufgood. Ce choix est selon Lucas une façon très littérale de mettre en scène la lutte des petits contre les grands. On pourrait ajouter que c’est aussi une façon roublarde de s’adresser à un public d’enfants qui n’ont pas de mal, je parle d’expérience, à s’identifier à ce petit héros qui voit le monde sous un angle qui est aussi le leur. Cette perspective donne une touche singulière au film et participe à son charme.
Même si ce projet est important pour Lucas il en confie la réalisation à Ron Howard et c’est à Bob Dolman de faire de l’histoire originale un scénario pouvant être porté sur grand écran. Si l’intrigue n’est pas très originale pour le genre heroic fantasy, il s’agit d’une quête au cours de laquelle le héros mûrit, découvre son vrai potentiel et participe malgré les faibles forces du Bien au triomphe de ce dernier contre des forces du Mal puissantes qui sont menées par une méchante reine sorcière, Bavmorda (un nom qui sonne étrangement en français) interprétée par Jean Marsh. L’histoire n’est pas plus mauvaise qu’une autre et est assez prenante pour satisfaire l’amateur de féérie pelliculée et de fantasy cinématographique bon enfant.
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Au-delà du bestiaire et des archétypes inhérents au genre (les trolls, les brownies, la magie, les sentiments chevaleresques…) le film se distingue par la présence de thèmes et de motifs qu’on trouve ailleurs dans l’œuvre de Lucas. Le personnage de Willow est parent de celui de Luke Skywalker (les deux possèdent un pouvoir qu’ils apprendront à maîtriser), Madmartigan (Val Kilmer – Kiss Kiss Bang Bang) fait immanquablement penser à Han Solo dans le côté héros malgré lui qui en dépit de ses dénégations fera quand même ce qui est bon et juste. Ces deux personnages se ressemblent tellement qu’ils finissent par épouser la belle princesse rebelle, ici la guerrière Sorsha (Joanne Whalley vue dans la saison 3 de Daredevil). On songe aussi de-ci de-là à Indiana Jones notamment lors d’une course poursuite en charrette qui fait penser à celles qui parsèment les films de l’aventureux archéologue.
Et c’est peut-être ce qui finit par pécher dans Willow, la sensation qu’on a déjà vu ça ailleurs. Car quelque part ce film que George Lucas n’a pas tourné, préférant délégué, il l’avait déjà fait. Cette restriction n’empêche pas Willow de se laisser regarder et cette sensation de déjà vue ne concerne pas les heureux bambins qui découvrent le film pour la première fois. Car oui ce film s’adresse, comme les Goonies, à un jeune public, en vieillissant on peut avoir envie d’aventures un peu plus corsées et de mondes plus sombres ; Conan le barbare, Excalibur ou certaines facettes de la trilogie du Seigneur des Anneaux sont là pour ça.
Un mot sur les effets spéciaux. Lors de la sortie du film ceux-ci étaient à la pointe du progrès et constituaient un véritable argument marketing. Et pour l’époque ils étaient impressionnants, le fameux morphing qui redonne à Fin Raziel (Patricia Hayes) sa forme humaine était un prodige du presque jamais vu. Les décennies ont passées et trente ans plus tard, vous le sentez venir, les effets spéciaux ont, et c’est la leur inévitable destin, pris un coup de vieux. Ce n’est pas grave en soit, depuis nous avons vu mieux et surtout plus impressionnants. Après les films de Peter Jackson en Terre du Milieu ce qu’il y avait de spectaculaire dans Willow paraît fade et donne au film, par comparaison et ironiquement un aspect intimiste. Cette comparaison n’est pas superficielle tant les deux projets renvoient à la high fantasy. Les deux baignent dans une atmosphère épique avec une lutte manichéenne (mais pas forcément simpliste), des créatures inspirées par le folklore le tout dans un décors médiévalisant.
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Willow, peut-être à cause de son contenu enfantin ou parce que le public n’était pas prêt, fut en parti un échec dans les salles nord-américaines. Cet insuccès, comprendre qu’il n’a pas rapporté l’argent souhaité, n’a pas incité Hollywood à aller plus avant dans l’exploration cinématographique du genre et il faudra donc attendre le premier volet de la trilogie du Seigneur des Anneaux pour que le vent change, encore qu’il faille relativiser les blockbusters qui se taillent la part du lion dans les cinémas sont consacrés aux Super héros pas aux Elfs. L’heroic fantasy en particulier mais la fantasy en général est toujours sous exploitée au cinéma et les grandes réussites du genre reste hélas plus de l’exception que de la norme.
Willow est en définitive un long métrage sympathique qui a un peu vieilli et qui a les défauts de ses qualités. Il reste une façon agréable de perdre son temps.
R.V.