Elle Revient
64 ans après sa première apparition au cinéma Mary Poppins revient cette fois sous les traits d’Emily Blunt dans un film dont le seul défaut est qu’il est parfaitement superflu
Synopsis : Des années ont passé, Jane et Michael Banks ont grandi. Michael travaille à temps partiel comme guichetier dans une banque, il a eu trois enfants et est veuf depuis un an. La grande dépression qui a suivi la crise de 1929 menace. C’est le moment que choisit Mary Poppins pour revenir et aider la famille Banks en pleine tourmente.
Alors que la compagnie Walt Disney est selon toute vraisemblance la plus grosse machine de guerre qu’ait à proposer l’industrie culturelle des Etats-Unis il est tentant de se laisser aller à parler très gros sous, le rachat de la Fox, de se plaindre des films de superhéros qui envahissent les salles ou de se joindre aux chœurs des fan(atique)s de Star Wars qui se sentent trahis dès lors qu’ils ne retrouvent pas sur grand écran le film qu’ils s’étaient faits dans leurs têtes.
Disney on a tous un avis dessus, petits ou gros, favorable ou défavorable. Il y a ce qu’on aime et surtout ce que l’on a aimé parce qu’on a vu ça enfant et que c’était autour de Noël, dans cette douce euphorie de la fin du mois de décembre. L’auteur de ces lignes que vous lisez sans trop de déplaisir – du moins l’espère-t-il - retombe en enfance à la seule mention d’Aladdin parce qu’il l’a vu au cinéma en 1992 et que le film traînait en cassette vidéo dans sa maison. Disney c’est un formidable fond de catalogue que depuis quelques années la firme s’est mise à exploiter d’une façon particulière en transformant en film avec des acteurs en chaires et en os ses classiques animés de jadis (Blanche neige et les sept nains, 1937) et de naguère (La Bêle et la Bête, 1991). On comprendra que Mary Poppins, un film qui date de 1964, avec la merveilleuse Julie Andrews qui interprétait le rôle-titre et un Dick van Dyke dont l’accent cockney n’a pas fini de faire pester les Anglais, était une production ambitieuse qui mélangeait prises de vue réelle avec acteurs et de personnages animés ne pouvait pas subir le même genre de traitement d’où l’idée d’une suite.
Et nous voici au début de l’hiver 2018-2019 avec ce Mary Poppins le retour dans les salles. Et nous voici devant un problème, au rien de grave rassurez-vous, le film n’est pas mauvais, loin de là, mais on se demande un peu pourquoi ? Pas vraiment convaincu par la nécessité de cette suite. De sa pertinence artistique car en revanche on comprend parfaitement, sans que ce soit le moins du monde péjoratif, la pertinence financière d’un tel projet.
Le film n’est, insistons sur ce point, pas mauvais en soit. La distribution est convaincante à commencer par Emily Blunt dont la présence et la grâce font beaucoup pour le charme du film. Elle est une Mary Poppins à la fois guindée et pleine de folie, un personnage qui sous ses dehors raides de gouvernante victorienne cache un genre d’agent du chaos, une bonne fée qui réenchante le monde. Elle est la gouvernante idéale pour trois enfants de rêve. Ils sont vraiment craquants les bambins, Anabel (Pixie Davis) et John (Nathanael Saleh) sont des jumeaux et les ainées de la fratrie, la mort de leur mère et la folie douce qui règne à la maison les a contraints à mûrir précocement, Georgie (Joel Dawson) est le petit dernier, un enfant rêveur et plein de vie, il y a entre eux une connivence qui rend leurs statuts de frères et sœur crédible de bout en bout. Lin-Manuel Miranda est la caution du Broadway branché, il a brillé dans la comédie musicale à succès Hamilton, il tient un rôle comparable à celui de Dick van Dyke dans l’original, un acteur qui fait une brève mais importante apparition dans le film. Miranda est Jack, un allumeur de réverbère qui a été enfant un petit ramoneur et qui adulte se souvient de Mary Poppins. Il est l’adjuvant de Mary Poppins, le personnage qui tombe à pic pour expliquer aux trois enfants Banks combien leur gouvernante est magique.
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Puisqu’on parle d’un film musical nous ne passerons pas à côté de la question des chansons et des numéros chorégraphiés. Il en va des chansons, comme du film en général, elles ne sont pas désagréables mais elles ne sont pas aussi mémorables que celle du long métrage original. Par contre les numéros chantés et dansés sont le plus souvent de belles réussites qui renouent avec cette étincelle enchantée qui fait la beauté du Mary Poppins de 1964. Les parties qui plongent les acteurs dans le monde animé fonctionnent comme des escapades dans un monde merveilleux et fascinant qui s’intègrent à l’intrigue et la font progresser. Ce ne sont pas des inserts plaqués pour faire jolie ou pour apporter un émerveillement factice. Les chorégraphies en groupe sont lisibles et pleine de détail, le genre de séquence qui s’enrichit à chaque fois que l’on revoit le film. Ces allumeurs de réverbères qui au début des années 30, l’action se déroule après la crise de 1929, font du vélo comme des champions de BMX, c’est peut-être idiot mais ce genre d’anachronisme est drôle et m’a plu.
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Malgré tout difficile d’échapper à cette sensation de vacuité. Et j’ai beau aimé Emily Mortimer, depuis l’excellent Le 51e état, de Ronny Yu avec Robert Carlyle et Samuel L. Jackson, vu à sa sortie en salle durant l’été 2002, son personnage, Jane Banks, est artificiel, moins creusé que certains autres seconds rôle, l’intrigue se déploierait pareillement si elle n’était pas là. Mary Poppins reste un mystère, ce qui n’est pas mal en soit, la maladie explicative est une plaie du cinéma, mais le personnage n’est pas non plus, ce qui est plus regrettable, enrichi elle est la même au début comme à la fin du film et elle reste inchangée d’un film à l’autre. Peut-être n’était-ce pas une bonne idée de faire revenir Mary Poppins dans la même famille, de la faire revenir trop explicitement dans ses pas ? Peut-être que le personnage gagnera en épaisseur dans ses futures apparitions sur grand écran ?
Le retour de Mary Poppins a perdu de sa magie tant ce qui faisait la spécificité du film avec Julie Andrews est devenu la norme aujourd’hui. Ce qui autrefois était un tour de force, intégrés des acteurs à un décors de dessin animé et des personnages animés dans un décors en prise de vue réel, est aujourd’hui quelque chose de somme toute banal à l’heure des effets spéciaux numériques. Mary Poppins était en 1964 un film précurseur et ce qui le rendait alors différent en fait aujourd’hui un film presque comme les autres. Mary Poppins le retour est un film qui n’a pas la force révolutionnaire de son prédécesseur et a donc une saveur plus commune.
En formulant ces critiques j’ai un peu l’impression de ne pas être tout-à-fait juste envers ce long métrage qui dans l’ensemble est bon. Il est facile d’être blasé et je me dis que si j’avais vus Le retour de Mary Poppins, entre six et dix ans, juste avant Noël et que je ne connaissais pas le film des années 60 mon appréciation aurait été toute autre. Après tout en la matière les seuls vrais juges sont les enfants.
R.V.
P.S. : Le film a rencontré un succès assez significatif pour donner envie à Disney de faire une suite à la suite de Mary Poppins. Si vous avez aimé réjouissez-vous il y aura à l’avenir d’autres noëls a passé avec Miss Poppins ce qui n’est pas une perspective déplaisante.